Un bel homme que mon garçon!
Il est debout, il regarde: la plage, la mer.
La mer est basse, calme; la saison, chaude, trop chaude; le temps lent.
Mon fils se trouve sur un étroit et dangereux chemin de vieilles planches posées sur le sable noir d'impurtés.
Il est habillé de vêtements sales, déchirés, il n'est même pas passé à la maison pour se changer.
Je vois son visage, tiré par la fatigue, un malheureux masque de théâtre.
Ses yeux sont d'un bleu clair qui vous emporte loin d'ici, loin de cet enfer de béton.
Il ne bouge pas. il regarde la mer qui pourrait l'emmener loin de son père.
La mer, la plage, il y a d'immenses flaques, des taches d'encre sales qui ondulent avec le vent.
Puis, un autre homme, mon mari.
Il est habillé d'un costume gris que je lui est offert. A cette distance, son visage est indistinct.
Il marche, il va à la rencontre de son fils, il revient, il va, il revient. Va t-il enfin se décider à lui parler?
Je suis à leur gauche. Assise.
Mon mari, qui marche, ne regarde pas son fils, il a honte du passé, honte des paroles qu'il lui a dites.
Sa marche est mal assurée, lente. Il pense, à sa vie, à sa paternité, à ses années de gouffre d'amour qu'il aimerait temps oublier.
Nous formons un triangle.
Je suis assise inconfortablement contre un vieux mur dont les pierres s'effritent telles de vieilles dames fatiguées par le temps écoulé.
Mon fils est dans ce triangle imaginaire, entre moi et mon mari. Partagé entre la douceur d'une mère et l'autorité maladroite et injuste d'un père.
 
Abellia
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