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- C. FREINET
- GRAMMAIRE FRANCAISE EN QUATRE
PAGES
- PAR L'IMPRIMERIE A L'ECOLE
- octobre 1937
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- La technique de travail traditionnelle est tout entière
basée sur la leçon faite par le maître,
étudiée ensuite dans le manuel, avec la plupart du
temps des résumés appris par coeur et des devoirs
d'application.
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- C'est une méthode de travail. Elle a aujourd'hui fait
ses preuves. On connaît les avantages qu'elle
présente: avec un minimum d'initiative et de don de soi,
mécaniquement, en suivant les manuels, n'importe quel
instituteur peut l'administrer, même sans faire le long
apprentissage de l'École Normale.
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- Mais on a toujours hésité à en divulguer
les inconvénients et les dangers parce que critiquer ce que
l'on ne peut ou qu'on ne sait remplacer, c'est dénigrer et
que dénigrer est toujours une position difficile et
dangereuse.
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- Nous qui savons où trous allons, nous pouvons nous
payer l'audace de dire que la technique traditionnelle des devoirs
et des leçons, que nous critiquerons en détail dans
un autre opuscule, présente, parmi tant d'autres tares,
celle de n'avoir qu'une efficience extraordinairement
réduite.
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- L'instituteur fait une leçon, la plupart du temps sans
conviction ni chaleur, car il n'y a rien qui use plus et qui
déforme comme de pontifier sans cesse. Il est prouvé
aujourd'hui que, à de très rares exceptions
près, et sur quelques sujets seulement, l'enfant
écoute rarement avec tout son être. La
passivité n'est pas son fait. Il se donne à
l'éducateur tout juste assez pour éviter la punition
ou l'échec à l'examen pendant que le meilleur de son
être continue à suivre la ligne vitale de ses
intérêts profonds et de ses besoins.
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- LA TECHNIQUE FREINET
- Avart' même que la psychologie ai' dévoilé
ce dédoublement' mor'el pour 1?èoele, les
pédagogues avaient senti l'insuffisance des
leçort» doctorale% puisqu'ils avaient vu la
nécessité de les doubler et de les prolonger par
l'étude sur le manuel de cette même leçon.
Rabâchage plu» fastidieux ertoere et qui ne donnait
quelque rendelrten' que si on en con'rôlai' scrupuleusement
l'exècutiort par les iésulrtès à
apprendre par coeur e'les innombrables devoirs d'applica'ion.
- On peut tricher quand le maître parle ou quand onli' la
leçon. Mais un iésulrté est su ou n'est pas
sui un devoir est fait jm»te ou faux... Terrible .bligation
qui empoisonne la vie des écolier#, de ceux surtout, et ils
sont l'immense mas.e, à qui coûte
exagérément l'effort de mémoire et de
compréhension qui le.r est ainsi demandé.
- E'c'est ce travail anormal et excédant qui use les
générations d'écoliers, les
4égoûte du travail scolaire e', parfois, hélas
I les fai' haïr l'école. .
- Devoirs e' leçons sont aussi à la base de tout
le système de coercition imaginé par les
réglemen's ou les pèdagogues. Il es' impossible de
'ravailler avec les enfan'» dans l'a'mospltère de
confiance e' de collaboration indispensable à 'ou'e oeuvre
d'èduca'ion quand 'ou' au long du jour le maî're,
].ivre en mains (car il n'a pas besoin, lui, de savoir par coeur,
et ce n'est pas là la moins criante des inju»'ices),
contrôle leçons et devoirs. Les punitions sont le
complément nècessai<e lie ce"e mè'ltode de
'ravail.
- AI~I si nous pouvions supprimer dans nos classes toutes les
leçons fai'es ex-cathedra pàr l'éducateur ;
si nous pouvions supprimer toutes les leçons à
apprendre, tous les devoirs à fairel Comme l'école
paraîtrait alors, aux enfants et aux adultes, lumineuse et
claire ; comme on y travaillerait avec joie, sans aucune
hypocrisie, comme la collaboration y serait agréable et
combien changerait le rôle de l'éducateur qui vivrait
enfin, au milieu d'enfants vivants, au sein de la vraie viel
- Ét si l'éducateur ainsi libéré se
donnait avec un complet amour de sa tâche ; si les enfants
s'éJlanouissaient enfin dans une école à leur
mesure ; si les activités Iles uns et des autres se
donnaient à loo TO,.comment le rendement scolaire ne
serai'-il pas décuplé lui aussi I
- U'opie I Naguère oui, et c'est pourquoi on ne
savai'alors ,ousser avec ce"e acuité la critique du
système traditionnel. Notre technique es' jus'ement le
triomphe de l'activité libre de l'enfant, mais d'une
activité à laquelle on a donné un aliment et
des possibilités d'expression avec un matériel
nouveau, par des formules àe travail mieux adaptées
aux nécessités de l'Iteure.
- C'est ce matériel, ce sont ces formules de travail que
nous présentons dans »os brochures. Matériel et
formules ont été éprouvés dans des
centaines d'écoles populaires ; ils sont fondés
pédagogiquement et psychologiquement ; ils ont donné
des résultats qui leur ént valu la faveur croissante
de tous ceux - éduc#teurs ,u inspecteurs - qui les ont
examinés.
- Un jour prochain, l'école populaire sera vraiment
libérée parce que des techniques de vie, d'effort
joyeux et de travail efficient auront remplacé
triomphalement 4es mètltodes scolastiques qui n'ont plus
guère pour elles que l'imposante tradition,
accompagnée et soutenue par une foule
d'intèrêts matériels que nous ne devons ,as
sous-estimer mais que nous devons moins craindre encore de
dènoncer et de oembattre.
- Nous dirons, dans d'autres opuscules, comment, .par notre
technique, nous iupprimons les leçons de rèdaction,
les leçons de lec'ure expliquée, les devoirs
d'application et autres obligations rebutantes pour faire
s'épanouir enfih la véritable initiation
française. '
- Aujourd'ltui, nous vous disons :
- PLUS DE LEÇONS DE CRAMMAIRE
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- LA TECHNIQUE' FREINET
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- . La rédaction vivan.tes eL ioyeuse chemin .royal vers
la perfection gramm4cale
- . Ce n'est pas une gageure ; nous n'avons fait aucun pari de
condenser en quatre pages - peut-être sera+ce même en
trois !
- - le contenu de tous les manuels de grammaire. Notre
entreprise est d'une portée pédagogique autrement
considérable puis, qu'elle vise à simplifier
vraiment notre expé, iience pratique de la langue
grâce aux techniques nouvelles que nous avons introduites
dans nos classes.
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- Personnellement, je ne suis pas grammairien, loin de là
! L'avouerai-je même, lorsque après la guerre, je
repris, à demi-convale~ cent, une classe
préparatoire, je constatai avec un peu de surprise que
j'avais presque totalement oublié toutes les règles
de gram, traire. C'est à peine si je distinguais encore
dans les temps quelques formes simples:
- i'indicatif présent, l'imparfait, le futur, le
conditionnel. Je ne savais plus si le Passé simple devait
oui ou non s'appeler passé dé, fini - je me le
demande encore en écrivant ces lignes, et la chaine: bijou,
caillou, chou...
- revenait péniblement.
- ., Ne parlons pas de toute la foule de pronoms, d'adjectifq,
d'adverbes, de préposi+ lions, etc., dont je savais
l'emploi sans pouvoir les distinguer avec précision. Et
pour.
- tant, je venais d'écrire un petit livre qui ne manquait
pas d'émotion, et je savais, d'une plume assez vive,
défendre mes droits, ou écrire pour mes
élèves des contes et des poé.
- Sies que, à ma grande surprise, ils
préféraient aux oeuvres classiques qui leur
étaient offertes.
- Je ne me suis pas ému. Je savais écrire d'une
façDn convenable ; je sentais bien que c'était
l'essentiel, que tout le reste, que toutes les chinoiseries
grammaticales étaient surtout inventions scolastiques et
que si moi qui avais eu jusqu'à 18 ans le crâne
bo.urré par maîtres et manuels, pouvais sans grand
dommage oublier les neufs dixièmes de la grammaire, c'est
que celle-ci, telle qu'on me l'avait enseignée,
n'était ni vitale, ni indi~ pensable, et que la voie suivie
jusqu'à ce jour ne répondait pas aux besoins
d'élèves qui, dans la vie, n'ont que faire de
terminologie.
- . Je n'ai, dep.uis, tenté aucun effort pour apprendre
à nouveau cette grammaire des manuels. Et je me hâte
de condenser ici, avant qu'il ne soit trop tard, ce que je crois
suffisant et profitable pour notre école primaire. Car la
déformation professionnelle nous marque dangereusement :
à force de revoir tous les ans les mêmes principes,
les mêmes règles avec leurs exceptions, nous les
incorporons à notre fonction et à notre vie,
jusqu'à ne plus comprendre que ceux dont la profession
n'est pas de rabâcher Ces éléments puissent
avec tant de désinvolture en négliger
complètement la Contestable valeur.
- N'écoutons point ceux qui prétendent qu'on ne
peut écrire tant qu'on ne connait Pas à la
perfection les règles de la gram~ maire et de la syntaxe.
Dénonçons les pres~ criptions ridicules des
programmes qui sti~ Pulent : une phrase d'abord pour les enfants
du C.P., puis un paragraphe, et enfin vers le Certificat
d'études seulement, un texte complet.
- Pensez à ce qu'il adviendrait de ces mêmes
enfants si, lorsque, tout petits, ils veulent w, térioriser
dans leur langage à peine compréhensible ce qui les
agite, une maman péda~ gogue venait leur imposer silence ;
- Tai~ toi, tais-toi... Prononce seulement avec moi .
- une phrase... plus tard tu pourras prononcer un paragraphe;
et, dans quelques annégs, seulement tu pourras raconter une
histoize complète... Comme si ce n'était pas une
his~ toire complète que mime l'enfant qui s'agite et
gesticule et crie dans son berceau; et si réprimer ainsi le
besoin d'expression de l'm, fant n'amènerait pas avec
certitude le dé..
- goût d'un langage imposé et inutile, et sans
doute le mutisme complet...
- Les pédagogues n'ont vu que la règle ; et la
règle a tué la vie...
- Ils écrivent bien, certes, ces académiciens pour
qui écrire est une sorte de devoir de style où la
forme masque presque toujours l'absence de pensée et de
sentiment. Mais qui lit leurs oeuvres? Et pensez-vous que ce sont
elles qui passeront à la postérité ou bien
plutôt les pages vibrantes d'émotion et de vie de ces
jeunes écrivains qui, ssns se soucier outre mesure de la
grammaire, ont su exprimer ce qui vous agite ou vous remue.
- Et je pense à tel écrivain à
succès, avec ses
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