LImprimerie à lÉcole, Saint-Paul, Alpes maritimes.
Circulaire n°4 [date probable : début décembre 1928, supplément au bulletin mensuel n°17 de nov. 1928]
EXAMEN DE LA SITUATION
Le développement pédagogique et commercial pris à ce jour par notre entreprise nous oblige à mettre tous nos adhérents au courant de la situation, afin que, dun commun accord, nous puissions coopérer dans les meilleures conditions au développement de notre oeuvre.
NOTRE SITUATION FINANCIÈRE : Elle nest certes pas brillante. Si nous navions pas fusionné en août avec la Cinémathèque, nous aurions été dans lobligation, faute de capital, de faire à nouveau appel à lexploitation de quelque revendeur.
Vous connaissez dailleurs notre situation. Notre capital est constitué par une action de 25 fr. par adhérent, soit 3 000 fr. environ. Nous navons jamais, depuis notre fondation, réalisé un bénéfice nous permettant daccroître ce fonds. Les ristournes payées par CINUP lan dernier nont pas même couvert nos frais. Cette année les prix TROP BAS ne nous assurent que 18 à 20% de bénéfice brut environ.
Il nous a cependant fallu assurer le paiement de traites présentées alors que nos clients ne nous avaient pas encore payés, et dont le montant sest élevé à 10 000 fr. environ. À lheure quil est, le petit stock constitué, et nécessaire, vaut encore plusieurs milliers de francs. Comment avons-nous fait dans cette période difficile ? Daniel a au besoin avancé un peu dargent ; jai moi-même engagé la toute petite réserve que je possédais. Et surtout nous avons fait appel à la Cinémathèque qui a viré à notre compte 4 000 fr.
Cela signifie-t-il que la Cinémathèque soit riche et quelle puisse toujours ainsi nous épauler ? Peut-être deviendra-t-elle en mesure de le faire, mais pour linstant, nous navons pu nous en tirer quen réglant au ralenti notre principal fournisseur Pathé-Baby.
Même quand largent de nos livraisons sera rentré, nous ne serons pas encore à flot. Les frais pour nos services augmentent chaque jour : il nous faut contribuer au paiement de lappointée de la Coopé. Nous avons des impôts à payer, des avances à faire pour notre approvisionnement, 4 à 500 lettres à écrire par mois. Nous verrons en fin de cette circulaire les solutions possibles à cette situation.
NOTRE ORGANISATION COMMERCIALE : Quand nous avons lan dernier commencé cette organisation, nous pensions décentraliser nos services, en chargeant plusieurs camarades dévoués qui sétaient offerts, de rayons distincts. Mais, à lusage, nous avons vite vu que cétait là une hérésie commerciale. Dabord parce que, avec lextension de nos services, les expéditions, la comptabilité dépassent vite les limites de la meilleure volonté, et surtout parce que les frais demballage et de port nous ruinaient.
Nous marchons donc vers la centralisation commerciale, cest-à-dire quà lavenir, les fournitures seront faites en deux envois seulement : Caractères et casses par nos fondeurs, tout le restant par notre service spécial, ce qui représentera une économie de temps et dargent denviron 50%. Nos camarades comprendront certainement quavec notre matériel lourd, cette solution est certainement meilleure.
Nous naurions cependant pas encore pu y parvenir si la Cinémathèque navait été dans lobligation de prendre une appointée pour lexpédition des films. Avec un supplément de traitement, cette employée sous le contrôle de notre ami Boyau assurera le service IMPRIMERIE (continuer à faire passer toutes les commandes par Freinet en attendant une autre organisation). Mais il restera encore de la besogne pour toutes les bonnes volontés. Nous organisons à mesure que notre travail et notre matériel se stabilisent. Il faut justement que, par leffort de tous, nous mettions debout une oeuvre solide.
Notre ami BEAU sest chargé du service du papier ; nos camarades Faure procèdent actuellement à un triage de nos livres de vie de lan dernier et leur travail sannonce fertile et intéressant. GAUTHIER (Loiret) sest chargé de nous faire procurer du bon caoutchouc ; Rivière nous a préparé lagrafeuse. Nos amis PICHOT soccupent du matériel scolaire ; DUNAND a adapté un encrage automatique à notre presse ; Me J. LAGIER-BRUNO et BOUBOU traduisent activement de nombreux documents pour notre bulletin, etc. Notre si dévoué Leroux enfin, nous tire et nous expédie toutes les circulaires, et ce nest pas un petit travail. Nous sommes en correspondance avec de nombreux camarades qui cherchent et auront sous peu leur part de travail. Cette activité se reflète et se reflètera dans la richesse de notre bulletin. Oui, une vraie coopérative !
NOS ÉDITIONS :
1) LE BULLETIN : Nous lavons voulu solide, nourri et intéressant. Mais, il coûte cher, près de 1000 fr. par mois. Naturellement, de cette somme, la Cinémathèque et la Radio prendront leur part, mais il faut cependant envisager le paiement des 10 000 fr. qui nous seront nécessaire dans lannée.
Il nous faut pour cela 800 abonnés. À ce jour, 300 abonnements environ sont souscrits. Si chacun de nos adhérents faisait 3 à 4 abonnés, nous joindrions les bouts.
2) LES EXTRAITS DE LA GERBE : Chaque numéro coûte de 380 à 400 fr. Comme on le voit, le prix de 0,50 est un prix limite qui ne nous permet un bénéfice cependant possible que si nous arrivons à vendre plus de 800 exemplaires de chaque numéro.
Si tous les camarades imitaient quelques-uns de nos fidèles qui écoulent les EXTRAITS par dizaine et même par vingtaine, il nous faudrait sous peu daugmenter le tirage ! Si vous croyez que cette édition originale mérite dêtre continuée, il faut contribuer à la vente. Lenthousiasme de ceux qui nous écrivent est une preuve certaine que nous joindrons les bouts.
3) PLUS DE MANUELS SCOLAIRES : Pour cette édition, je nai pas voulu engager la Coopérative dans une affaire malgré tout aléatoire. Je ferai moi-même lavance nécessaire (4 000 fr.). Quand le prix de revient sera récupéré, lédition deviendra propriété de la Coopérative.
Cest parce que jai pensé que ce livre pouvait intéresser et aider nos camarades que je me suis résolu à faire les dépenses. Il me semble que chaque adhérent pourrait acheter ce livre et en prendre en même temps un ou deux supplémentaires quil placerait parmi ses collègues, nous rentrerions alors assez vite dans nos débours. La vente marche dailleurs très normalement.
Je prie les camarades de payer en passant commande car nous avons besoin dargent. Je suis personnellement à fond de cale et je ne pourrai bientôt plus faire seulement lavance des timbres (150 à 200 fr.) par mois) si cet appel nest pas entendu. Mais, je nai aucune raison de douter de la bonne camaraderie et du dévouement à notre uvre de tous nos adhérents.
Voilà mise à nu notre véritable situation. Nous sommes tous conseillers dadministration et trésoriers à la disposition des camarades qui désireraient des éclaircissements complémentaires.
Voyons maintenant les solutions préconisées. Il faut dabord que nos éditions vivent par elles-mêmes. Il est même à souhaiter quelles contribuent, dans un bref délai, à enrichir notre caisse, ce qui permettra bien dautres réalisations. Nous sommes certainement tous daccord là-dessus. Il faut donc que chaque adhérent :
a) Fasse de la propagande pour notre bulletin et recueille des abonnements pour que nous atteignions cette année le chiffre de 800 abonnements.
b) Recueille dans la classe et parmi les collègues des abonnements aux EXTRAITS DE LA GERBE et commande régulièrement le plus grand nombre possible dexemplaires de chaque numéro.
c) Commande 2 à 3 exemplaires au moins de PLUS DE MANUELS SCOLAIRES. Nous préférons toujours la commande par chèque postal. Conformément à notre dernière circulaire, nous ne ferons AUCUN dépôt de livres. Commandez ferme, nous reprendrons au besoin.
4) Fasse de la réclame pour nos services Cinémathèque et Radio qui nous aident à vivre.
En attendant le jour prochain où nos éditions nous aide à vivre et à prospérer, il faut cependant assurer le développement de nos services.
Légalement tout adhérent à la Coopérative doit verser une action de 50 fr. non passible dintérêts et sur appel du C.A. une 2 ème action avec intérêt à 5%. Nous avions fait exception pour nos adhérents de lImprimerie qui provisoirement ne verseraient que 25 fr. Mais, le fisc nous demande de régulariser notre situation. Nous pensons dautre part que tous nos fidèles coopérateurs accepteront avec plaisir de compléter leur 1e action par le versement des 25 fr. supplémentaires qui nous aideront à constituer nos stocks. Notre fonds en matériel dépasse de beaucoup notre capital.
Nous avons de grands projets que nous croyons en mesure de réaliser. Nous allons sortir une agrafeuse, nous envisageons dorganiser pour octobre la vente de cahiers décoliers ; peut-être fabriquerons-nous des Camescasses, du matériel scolaire.
Si notre appel nétait pas suffisamment entendu, nous serions dans lobligation de relever le prix de notre matériel afin de réaliser un bénéfice normal brut de 30 à 40%.
LA GERBE : Les séries paires et impaires qui collaborent en janvier et février travailleront librement sans centre dintérêt. Nous procédons ainsi à une expérience loyale de notre travail coopératif. Une circulaire prochaine donnera les noms des relieurs des séries paires.
Fraternellement : C. FREINET. Circulaire tirée par Leroux.