Une expérience dadaptation de notre enseignement
Limprimerie à lécole
LEcole Emancipée, n°8, 15 novembre 1925, Rubrique : Chacun sa pierre
(suite de larticle du 8 novembre)
Mais, me dira-t-on encore, limprimerie nest-elle pas trop coûteuse pour les petites classes de nos pauvres villages ? A cela je réponds que limprimerie représentera au contraire une économie sur lemploi des divers manuels. La dépense initiale seule est assez forte (environ 150 francs). Mais les mairies , même les plus pauvres, ne pourraient-elles faire lachat de ce « matériel denseignement » ? Ou bien faîtes cotiser les élèves, faîtes effectuer lachat par la coopérative scolaire. Vos élèves ne le regretteront sûrement pas.
Et cette dépense une fois faite, quelques dizaines de francs par an suffiront pour remplacer les caractères usés ou manquants, acheter lencre (noire, bleue, rouge, verte) ou de jolies vignettes qui encadreront gaiement nos imprimés, et se procurer le papier qui est relativement très bon marché. On épargnera au moins un livre de lecture à trois francs, soit soixante à quatre-vingts francs pour une classe, somme largement suffisante pour les dépenses régulières annuelles.
Mais cest une méthode bonne à peine pour les classes très peu nombreuses, objecte-t-on avec dédain.
Au contraire ! Elle est précieuse dabord pour les classes à plusieurs cours, comme celle où je lai expérimentée, ou dans les écoles à classe unique des petits villages. Limprimerie permet détablir entre grands et petits un lien matériel et moral. Les grands coopéreront dailleurs à leur façon - encore à déterminer - à luvre de vie scolaire.
Elle est possible aussi dans les classes nombreuses, mais plus homogènes, des villes. Car, pendant que quatre ou cinq élèves composeront en silence, le maître pourra soccuper librement des autres élèves. Il y aurait même dans les villes, dautres combinaisons bien plus utiles : par exemple, une seule machine à imprimer pour lécole, mais un peu plus perfectionnée, et qui serait utilisée également par les classes supérieures, selon les méthodes nouvelles dactivité si chaudement recommandées, même par les programmes officiels.
Et comment encore, satisferons-nous à ces programmes si nous ne parlons ainsi, chaque jour, que de ce qui intéresse les enfants ? Jen ai fait lexpérience librement et jen suis tout simplement émerveillé.
Quand je parcours les 300 pages de notre Livre de Vie, je constate humblement que nous y avons passé en revue tout ce quon trouve dans les livres les mieux faits. La voilà, la répartition par centres dintérêt. Et il ny manque pas même les leçons dhistoire, de géographie ou darithmétique que les élèves ont réclamées.
Laissons donc nos enfants vivre et travailler en paix. Monsieur lInspecteur sera satisfait
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Oh ! je ne millusionne nullement ! Je sais que lachat, linitiation à limprimerie et son emploi constant demandent au maître un effort intelligent et actif qui est juste à lopposé de la routine, ce grand fléau de léducation. Il faut certes une discipline nouvelle, faisant plus franchement confiance à lenfant, et des habitudes aussi de travail collectif, qui nexcluent cependant pas lindividualisation de lenseignement.
Et encore, ne nous exagérons pas les difficultés. On prend bien vite lhabitude de ce travail nouveau, mais habitude qui proscrit toute routine. Je vous assure quaprès leffort du début dannée, ma classe me paraît bien moins fatigante avec mon imprimerie, et combien plus intéressante !
Mais limprimerie ne peut pas être un but. Elle nest quun moyen de rendre nos pauvres écoles actives et vivantes, un moyen aussi dintéresser le maître à sa classe, condition première du succès de notre enseignement.
Il ne sagit pas de détruire tous les livres pour les refaire ensuite en classe - encore que ce ne serait peut-être pas mauvais - , mais limprimerie peut très bien détrôner les funestes et routiniers manuels. Il nous suffit dadjoindre à notre imprimerie une bibliothèque adaptée où les élèves butineront à leur aise pour faire ensuite leur miel.
Cest ce travail de bibliothèque que jexposerai dans un prochain article.