Un congrès aristocratique
La nouvelle éducation
École Émancipée n°28 du 12 avril 1931
Célestin FREINET
Nous avons plusieurs fois déjà dénoncé La Nouvelle Education comme une association essentiellement bourgeoise, dont nous ne devons pas attendre grand appui pour léducation populaire.
Lévolution a été décisive au cours de ces dernières années. Les expériences du travail libre par groupes de R. Cousinet noccupent plus dans la revue quune place accidentelle et restreinte. La Nouvelle Education soriente franchement vers léducation des enfants bourgeois et la préparation pédagogique des mères bourgeoises qui ont quelque rejeton à choyer : conseils excellents pour ceux qui peuvent les suivre, réunions de mères, organisation décoles nouvelles richement payantes, livres au prix inabordable, etc
Tout cela ne manque pas dintérêt, mais léternelle question nous harcèle ! Et les petits pauvres de nos écoles ?
Quils se dé
brouillent nest-ce pas ?
Et voici le bouquet :La Nouvelle Education organise chaque année un congrès. A la vérité, les instituteurs y sont de moins en moins nombreux, les professeurs, publics et privés, en constituant bientôt exclusivement la clientèle. Or, cette année, La Nouvelle Education fête à Paris son dixième anniversaire, et elle a obtenu, pour cette solennité, la venue de la Montessori qui parlera au Congrès.
Une réception officielle suivra, et nous navons pas été surpris de lire sur le programme de La Nouvelle Education ce rapprochement monstrueux :
« De même que lhygiène moderne a rejeté les maillots par lesquels on déformait autrefois le corps des bébés, de même léducation nouvelle rejette les contraintes
Le dîner du 2 avril aura lieu à la Maison des Centraux. S. Exc. lAmbassadeur dItalie et de nombreuses personnalités seront des nôtres. Le prix du dîner est fixé à 40 francs (smoking ou jaquette de rigueur) ».
Voilà une heureuse décision qui aidera à se détacher de lassociation tous les éducateurs qui ont une âme prolétarienne et ne désirent aucunement revêtir la ridicule livrée bourgeoise.
* * *
Et je pense, malgré moi, à la réception simple et cordiale que nous réserva Kroupskaïa à Moscou en 1925. La glorieuse compagne de Lénine vint sasseoir au milieu de nous comme une vieille et bonne maman, et nous discutâmes longuement, sans le moindre apparat, de problèmes au moins aussi amples et aussi important que le montessorisme.
Mais quand on est la Dottoressa, il faut une cour et un rite.