- Controverse scolaire

Article publié dans Le Petit Niçois le
30 août 1926
Freinet répond à larticle du Corriere della
Sera
Nous avons reproduit, le 21 août dernier, un filet
fantaisiste du Corriere della Sera qui critiquait une
innovation pédagogique dun instituteur des
Alpes-Maritimes, innovation qui a peut-être sa valeur :
cétait un petit filet spirituel et, nous le
répétons, fantaisiste, dun Vautel milanais,
qui a eu le tort de déplaire à linstituteur en
question ; celui-ci nous écrit pour traiter larticle
en question « dineptie pédagogique
élucubrée par un journaliste réactionnaire,
vaniteux et ignorant »
Comme le Petit Niçois a toujours eu à
cur de défendre lEcole et ses maîtres,
nous insérons la protestation - au fond - de M. Freinet,
instituteur public à Bar-sur-Loup, que nous navions
pas nommé et qui se nomme lui-même.
Nous ne prenons pas à notre compte les injures quil
adresse à notre confrère milanais, dont nous savons
au moins quil nest ni réactionnaire, ni
vaniteux, ni ignorant.
« Je nai jamais eu la prétention de faire de
mes élèves des écrivains, ni même de
futurs imprimeurs. Au lieu de les contraindre à lire, sur
des livres écrits par des adultes, des histoires ou des
pensées quils ne comprennent jamais parfaitement, je
les invite simplement à imprimer leurs propres
pensées, à raconter et à fixer ce quils
voient autour deux, y compris le travail des coiffeurs, des
entrepreneurs et des charcutiers. Ce faisant, je ne prépare
pas des citoyens dociles pour un quelconque régime
dexploitation fasciste. Je voudrais surtout contribuer
à développer davantage le bon sens des fils de
travailleurs. Jespère que, devenus grands, mes
élèves se rappelleront ce que sont les feuilles
imprimées : de vulgaires pensées humaines,
hélas ! bien sujettes à erreur. Et, de même
quils critiquent, aujourdhui, leurs modestes
imprimés, je souhaite quils sachent lire et
critiquer, plus tard, les journaux quon leur offrira.
« Je naurais pas relevé cette négligence
du Petit Niçois, si ce journal ne
sétait pas attaché, depuis longtemps, à
défendre lEcole et ses maîtres. Car
lopinion dun journaliste retardataire mimporte
bien moins que lappréciation de mes collègues
qui, attelés à cette même tâche
déducation populaire, savent juger les
résultats pratiques de mon expérience. »
-
- C. Freinet, Instituteur public à Bar-sur-Loup
-
- (Note : Il na pas fallu à Freinet de nombreuses
lignes pour remettre les choses en place, sans manquer
dévoquer le régime sous lequel vit le
journaliste italien. Désormais, cest dans les
publications de son mouvement quil sexprimera.)