FREINET, vu par un pédagogue allemand (suite)


FREINET dans le mouvement de l'Ecole Nouvelle

En 1921 Ferrière fonde au Congrès de Calais la "Ligue internationale de l'Education nouvelle". Freinet assiste en 1924 à Montreux (Suisse) à un des premiers Congrès de ce nouveau mouvement
Decroly est également un des collaborateurs attentifs de la ligue internationale. A cette époque outre Ferrière, Decroly et Freinet, en Europe, d'autres pédagogues travaillent dans le même sens.
Kerschensteiner, Lietz, Gaudig, Peterson (Allemagne). Guiseppe Lombardo Radice (Italie) Frantiselt Bakulé (Tchécoslovaquie) John Dewey (Etats-Unis)

Le but de tous est de traduire en actes toutes les idées philosophiques et pédagogiques des précurseurs. Montaigne, Locke, Fénelon, Rousseau, Pestalozzi et Spencer.

Au XVI° siècle Montaigne défendait "la teste bien faite" exigence que reprend Freinet en écrivant "chez les élèves il vaut mieux des têtes bien faites et mains expertes plutôt qu'outres bien pleines".

Montaigne demandait également une éducation de bon jugement et une formation du goût. Fénelon au XVII° siècle conseille un enseignement sructuré, au XVIII°. Rousseau accuse l'enseignement par les livres et veut que l'éducation tienne compte de la nature et du psychisme de l'enfant, au XIX° siècle Pestalozzi demande la concrétisation de l'enseignement et Spencer loue l'enseignement scientifique auquel il attribue une valeur éducative particulière.

C'est de toutes ces notions et suggestions que le mouvement Ecole Nouvelle se saisit et essaie de les réaliser dans la pratique. C'est pour cette raison que tous ces partisans tendent vers un même idéal résumé comme suit :
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1.- L'Ecole doit être située à la campagne car le milieu éducatif y est proche de la nature, plus hygiénique plus simple qu'en ville.

2.- L'activité des élèves doit, le plus possible, rendre superflu l'enseignement du maître. Les élèves peuvent travailler seuls ou en groupes.

3.- L'activité est choisie ou proposée par les élèves eux-mêmes. Ils sont ainsi mieux préparés à la vie.

4.- Ordre et discipline sont réglés en grande partie par la prise en charge individuelle de responsabilités et de devoirs dans le cadre de l'autonomie ou de la cogestion.

5.- La vie scolaire est fortement assimilée à la vie de famille, souvent les élèves vivent avec leurs maîtres comme dans une grande famille.

6.- Quelques pionniers de l'Education Nouvelle sont pour la co-éducation.

7.- L'enseignement du matin est réservé aux activités intellectuelles alors que l'après-midi est consacré à l'enseignement manuel et artistique.

Ce n'est pas seulement â cause de leur utilité pratique et sociale que ces travaux manuels sont exécutés mais pour exercer le don d'observation et la pensée des élèves.

Le philosophe grec Anaxagoras disait :"L'Homme est intelligent car il a une main"

8.- L'entraînement physique est particulièrement encouragé.

9.- Avant tout, les pédagogues de l'Ecole Nouvelle veulent un enseignement qui soit proche de la vie. Pas de calcul avec les nombres abstraits mais un calcul se rapportant à la vie.

Ils doivent faire leur propre expérience car nous n'oublions jamais ce qu'une fois nous avons trouvé nous-mêmes.

Freinet a fait siennes toutes ces exigences et qu'il a traduit dans la réalité les plus importantes d'entre elles.

Son mérite personnel et celui de ses collaborateurs réside dans le fait que le mouvement de l'Ecole Moderne est, dans les pays francophones, le seul mouvement de réforme scolaire dont les initiatives, les recherches, les réussites, permettent la réalisation de projets de réforme.

L'EDUCATION NOUVELLE et l'EDUCATION née HUMANISTE

La plupart des adhérents de l'Ecole Nouvelle se retournent décidés, contre la manière néo humaniste de comprendre l'éducation telle que l'entend Humboldt, éducation qui se "détourne du monde et des occupations futiles".

Malgré la grandeur de l'idée humaniste de Humboldt, la possibilité de l'éducation est resserrée à un très haut degré par cette finalité et imposé à l'école la fonction douteuse d'élever l'enfant à l'écart de la vie.

C'est un auditeur récepteur qui suit attentivement l'exposé abstrait
du maître et qui s'approprie par l'étude des livres, le fil des pensées de grands esprits pour les rendre ensuite littéralement et conformément au sens.

Dans un monde pédagogiquement ainsi préparé, toute valeur culturelle est refusée au travail. Pour lui le travail est dégradation de l'homme intellectuel, pour lequel il existe une hiérarchie dans le monde de l'être. Le néo humanisme considère le travail comme une valeur non intellectuelle.

Karl Marx caractérise cette situation en disant que "le travail est extérieur au travailleur", c'est-à-dire qu'il n'appartient pas à son être qu'il ne s'y sent pas heureux mais malheureux qu'il ne développe pas une énergie physique et morale libre mais mortifie sa nature et ruine son esprit que le travailleur ne s'affirme pas dans son travail mais au contraire s'y nie.

Les pédagogues de l'Ecole Nouvelle et Freinet surtout ont rencontré avec étonnement cette conception néo humaniste du monde et de l'éducation, cette méconnaissance de l'Homme comme personne qui crée et qui travaille dans un rapport fraternel.

A l'Ecole Nouvelle le travail, la vie, l'activité des hommes les uns avec les autres et les uns pour les autres prennent une place de choix leur pédagogie demande une considération de la réalité sociale. Elle est une pédagogie sociale dans le sens le plus vrai.

Ils demandent que l'on tienne compte des connaissances de la psychologie de l'enfant, de l'activité spontanée de ses conditions naturelles de croissance.

Ils conduisent les enfants dans la nature dans le monde des adultes pour qu'ils y rassemblent leurs expériences.

Ils visitent usines, artisans et ouvriers, magasins et administration, musées et monuments d'art.

Ils guident les élèves à lire dans le grand livre de la nature et de la vie et se tiennent à leurs côtés comme amis et conseillers prêts à les aider.

Ils les laissent travailler seuls ou en groupes, rendent plus léger l'ancien ordre rigide en classe et encouragent la conduite fraternelle et sociale et la conscience de la responsabilité des élèves.

FONDEMENTS PEDAGOGIQUES et PHILOSOPHIQUES de la PEDAGOGIE SOCIALE DE FREINET

Freinet reçoit de fortes impulsions du mouvement de l'Ecole Moderne dans son activité pédagogique. Dewey le marque également mais Freinet veut construire ses mesures pédagogiques non pas sur un fondement pédagogique mais sur les expériences que lui et ses nombreux collaborateurs ont faites dans des observations et essais qui ont duré de longues années.

Comme Dewey, Freinet veut aussi organiser l'école de telle façon qu'elle adapte son travail d'éducation aux besoins de la société moderne et qu'elle prépare les élèves pour la vie dans cette société.

"Apprendre en faisant" dit Dewey "par la vie, pour la vie, par le travail"; c'est la conception de base de la pédagogie Freinet.

Freinet s'oppose à Dewey quand celui-ci déclare que l'action avec l'objet et, non pas l'objet en lui-même est le but de ses efforts pédagogiques".

Chez Freinet les objets ne doivent pas être des moyens, ne doivent pas être domptés; l'élève doit plutôt s'approcher par le travail "en tâtonnant" à l'existence d'une chose, d'un objet alors seulement quand il a reconnu les objets dans leur existence, dans leur ordre, dans la nature, il doit essayer de les classer.

Il exige un enseignement de morale. Dans son livret "L'Education morale et civique; " il demande :

"L'Ecole ne doit nullement négliger la formation morale de l'enfant formation indispensable car sans elle, il n'y a pas de vraie formation humaine."

Mais comme Freinet ne se trouve pas sur la base d'un christianisme positif son éducation de morale de l'action n'a pas de fondement religieux, elle se base uniquement sur une base naturelle.

Quant à sa position envers le christianisme, Freinet précise :

"Je ne suis nullement contre le christianisme mais contre ceux qui l'ont troublé. I1 faudrait retourner aux sources, au christianisme d'origine."

FREINET et LE MOUVEMENT DE L'ECOLE MODERNE.

Une fois la plupart de ses exigences réalisées dans la pratique scolaire, le mouvement de l'école moderne perdit son élan et s'engourdit.

Freinet s'en aperçut et s'en écarta peu à peu.

Freinet veut certainement que l'élève apprenne autant que possible par expérience personnelle mais il ne veut pas évincer le maitre qui doit assister l'élève, le conseiller, le diriger, le contrôler, l'aider, l'instruire et l'éduquer.

Le mouvement de l'Ecole Nouvelle avait deux points faibles :

1 - ses installations étaient trop coûteuses et pas applicables dans beaucoup d'écoles.

2 - sa manière d'enseigner exigeait des instituteurs qualifiés, nombreux, dynamiques.

Quant à Freinet, sachant les faiblesses de l'instruction publique en France, il prend contact avec de nombreux collègues, prépare des cessions de travail et échange par le verbe et par écrit ses expériences avec des instituteurs français et étrangers.
C'est ainsi que se forma peu à peu à partir de 1920 la Coopérative de l'Enseignement Laïc (C.E.L.) et résultant de l'Institut Coopératif de 1`Ecole Moderne (I.C.E.M.)

FREINET pense que l'Ecole doit se trouver dans le contact le plus étroit avec
les conditions économiques et sociales de son époque son mouvement s'appelle Ecole Moderne, qu'il définit en précisant qu'elle ne doit jamais arrêter ses efforts dans l'amélioration générale du peuple mais elle doit toujours les poursuivre et aller de l'avant pour, non seulement donner aux jeunes une éducation et une formation modernes, mais encore pour les préparer d'avance à se rendre maîtres de la vie de demain.

JORG