bulletin des Amis de Freinet n°14 de mars 1973 pages 20 et 21
Premiers essais de la technique
à l’école de St Vincent de Castelet (Barcelone)
par José Vigata Simo


Le maître qui sent véritablement l’école, celui qui la considère comme un lieu d’observation et tente de développer les facultés de l’enfant afin qu’il devienne le véritable homme de demain, ne peut, sinon être inquiet devant les problèmes scolaires, inquiétude qui l’incite à chercher des solutions qui lui permettent d’obtenir un bon rendement dans le sens éducatif, et il considère que ses efforts sont relativement payés considérant qu’il a tenté de mettre les élèves dans une situation intellectuelle capables de se cultiver soi-même à l’aide de livres et de revues. J’entends que l’école doit tendre à mettre les élèves en situation de comprendre parfaitement ce qu’ils lisent, voient, observent, écoutent, et ceci sans préjugé de classe, mais bien avec des critères d’indépendance. Pour cela il faut distinguer les matières qui font partie de l’organisation générale des études, considérées comme essentielles si tant est que l’une d’elles puisse être ainsi conçue et envisagée dans sa finalité. Ce terme préférentiel sonne peut-être faux à l’oreille de quelques-uns car l’on considère d’égale importance les disciplines qui composent l’enseignement de base. Cependant je suis convaincu que la discipline qui doit être développée le plus largement à l’école et en dehors, la base des rapports humains, est le langage, la langue, parlée et écrite est le véhicule de transmission de la culture universelle et grâce à cet élément, non seulement l’homme se distingue des autres êtres, mais en l’appliquant de façon adéquate il s’élève au niveau du concept moral, au point de s’imposer par la force de persuasion des mots.
Je n’ai rien dit de neuf en soulignant l’importance du langage bien que l’on puisse justifier en essayant d’offrir une meilleure argumentation qui vient renforcer mon point de vue à savoir que l’école doit jouer à ce propos le tout premier rôle.
Comment envisager cette discipline pour la rendre attrayante?
Je n’aurai pas non plus la prétention de donner des leçons de méthodologie du langage, il existe de “bonnes autorités” dans le domaine de la pédagogie. Cependant, même si ce n’est que collaborer à ce bulletin qui espérons-le répondra aux “transes” ressenties par de nombreux camarades, je veux exposer brièvement la tâche que nous essayons de mener à bien dans nos classes, en ce sens, qui justifie, que dirai-je, implique nécessairement l’imprimerie.
On dit avec raison, que l’on apprend à parler en parlant, mais indubitablement on apprend beaucoup plus aussi, en écrivant, en rédigeant. Les écrits restent, demeurent, et l’on voit les imperfections qui peuvent être rétablies. De plus la vision influe puissamment pour que se gravent les idées dans le cerveau et ainsi, la parole écrite est retenue sous forme de signification.
Bien qu’allons nous alors rédiger?
La rédaction fréquente ne va-t-elle pas devenir monotone?
Quels thèmes vont traiter les jeunes élèves, sans qu’il y ait répétition de ces mêmes thèmes?
Voilà le problème. Nous savons que de même nous avons le nôtre, que les enfants possèdent leur monde propre, qu’à l’égal de nous ils ressentent leurs propres préoccupations sur un autre plan, dans une autre atmosphère, une personne attentive, observatrice, n’écrit-elle pas les impressions reçues des choses qui l’entourent où qu’elle imagine? Pourquoi les enfants n’en feraient-ils pas de même?
Tel est le but que nous nous proposons de mener à bien et le fait est que nous sommes véritablement optimistes. Réactions?
Presque chaque jour les enfants nous livrent leurs impressions, intéressantes? les choses de l’enfant toujours le sont, je dirai même qu’une imprimerie n’est pas suffisante pour imprimer les textes sélectionnés à chaque niveau de l’école - journal de l’élève, les choses vues, entendues, lues, rêvées, imaginées constituent le fond des dites rédactions en général intéressantes et originales.
Quelques textes servent de base pour développer les leçons en collaboration, il est certain que cela donne des bons résultats sous plusieurs aspects: suggestion du thème par l’élève, exposition, discussion pertinente, compilation, observations, prise de notes, rédaction définitive, fixation d’idées. N’est-ce pas tout un processus?
Sans doute, l’imprimerie stimule ces travaux et offre son complément avec la reproduction de ces leçons ainsi mises à la portée des élèves. Voici justifiée l’imprimerie scolaire, cependant le technique de Freinet embrasse un horizon plus ample. Nous comprenons que ce que nous faisons dans cette école est seulement une tout petite partie de ce qui peut être obtenu, mais tout ne peut être obtenu en une seule fois et on ne peut, non plus, faire abstraction de l’ambiance. Peut-être avec le temps nous parviendrons au point où sera indispensable, alors prétexte d’élargissement de ces essais que nous exposons avec plus grande sincérité. Leur objet est de démontrer effectivement l’importance de l’imprimerie à l’école non pas introduite parce qu’elle est nouvelle, mais par tant, pour satisfaire à une nécessité méthodologique.
José Vigata Simo (maître national de San Vancent de Castelet)