Lire et relire Freinet

CHOISIR
ou
UN CHOIX CAPITAL


Dans "Naissance d'une Pédagogie Populaire" par Elise Freinet (édition 1949, page 21) nous lisons :
« l'examen du professorat de lettres vaut à Freinet, à la rentrée d'octobre, d'être détaché comme professeur à l'Ecole Supérieure de Brignoles.

Il se rendit à Brignoles, s'entretint avec le directeur de l'établissement, et reprit le soir même le train pour Bar-sur-loup. Il retrouva sa classe, ses petits élèves, l’atmosphère accueillante de ce village sympathique...

Au contact des enfant, dans ses rapports avec eux de franche et simple camaraderie, il avait définitivement compris qu'il lui faudrait chercher dans la vie même des enfants les éléments nouveaux de son travail pédagogique, s'appuyer sur leurs intérêts profonds pour satisfaire ce besoin d'activité dont Ferrière avait dit si magistralement la nouveauté dans son "Ecole active" … »

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de refaire l'histoire :
Freinet, Professeur de Lettres à l'Ecole Supérieure de Brignoles et Freinet, instituteur à Bar-sur-loup ?

Les événements qui ont suivi la rentrée d'octobre 1923 ont démontré, que le choix capital de Freinet a été déterminant dans la "Naissance d1une Pédagogie Populaire" et du "Mouvement Ecole Moderne".

Des raisons de ce choix, Elise Freinet nous en donne quelques-unes dans son livre "Naissance..." page 20, édition 1949.

"Freinet lit et relit, en les annotant, Rabelais, Montaigne, Rousseau, qui lui donnent comme une sorte de vertige en face du décalage monstrueux et permanent entre la théorie idéale et la pratique réelle d'un pauvre instituteur d'école déshéritée."

" Pestelozzi lui redonne confiance. Lui aussi se colletait avec la réalité et sa vie de lutteur passionné autant que son attachement à l'enfant pauvre étaient un exemple passionnant pour un jeune homme solitaire maintenu sur l'horizon étroit d'une salle de classe ; et pour la première fois Freinet comprenait toute l'ampleur du beau mot d'éducation qui, dépassant la scolastique, affronte le problème pédagogique dans toute sa complexité pédagogique, matérielle, philosophique, sociale et politique."

" C'est à ce moment, où son goût déjà pour le métier d'enseigner s'affirme, que Freinet lit les pédagogues modernes de l'Institut J.J. Rousseau de Genève , inscrits au programme de son examen."

" Une personnalité va avoir sur son orientation pédagogique une influence décisive celle de Ferrière."

Le beau livre de Ferrière, "L'école active", trop peu lu aujourd'hui bien qu'il ne soit pas dépassé, faisait pour ainsi dire le point de ce qu’on commençait à appeler "l'éducation nouvelle" et, outre sa grande richesse pédagogique, ce livre neuf orientait le lecteur vers des ouvrages à consulter pour approfondir les diverses branches d'activités , ouvrant ainsi devant Freinet, le néophyte, tout un vaste horizon à explorer.

A travers les pages de l'Ecole active, le petit instituteur, jusqu'ici désemparé, sentait vivre ses propres intuitions : il entrevoyait des pratiques inédites susceptibles de faciliter sa tâche. Sa solitude amère, en était tout à coup illuminée d'espoir. En souvenir de cet appui moral, Freinet ne manquera jamais par la suite, au cours de sa carrière, de rendre hommage au génial initiateur, qui fut, à cette période inquiète de sa vie, à l'écart de toute mystique, un père spirituel, un guide.

" En 1923, Freinet fut invité, pendant les vacances, par un de ses correspondants allemands à Altona, près de Hambourg . Il profita de cette occasion pour prendre contact avec l'essentiel de la pédagogie allemande et visita quelques-unes des célèbres écoles où, à la fin de la guerre de 1914, on avait essayé de réaliser le mythe de l'école anarchiste intégrale sans autorité du maître, sans règle ni sanction . Ces écoles, bien que très confortablement installées, n'apportèrent rien de positif pour aider le jeune maître à résoudre les problèmes que lui posaient sa petite école de village, et, au-delà, l'Ecole Publique

René DANIEL