HOMMAGE à Charlotte AUDUREAU
Charlotte Audureau avait certes, 86 ans. Mais comment ne pas avoir été surpris et profondément affecté par sa brutale disparition alors quelle venait, au dernier congrès Freinet de Clermont Ferrand de présider (à peine 10 jours auparavant), lAssemblée Générale des « Amis de Freinet » aux côtés de Lulu Marion et Raoul Faure.
Je me suis permis de contacter nos « anciens » qui lont bien connue. Plusieurs dentre eux ont eu la gentillesse de me répondre par retour du courrier. Au nom des « Amis de Freinet », je les en remercie très vivement.
Emile Thomas
Après la disparition toute récente de Pierre Fève, votre lettre du 5 mai nous annonce la mort si inattendue de Charlotte Audureau.
Qui, en effet, dans lA.G. des « Amis de Freinet » de Clermont Ferrand rendant un bel hommage à Pierre Fève aurait pu oser prédire la fin proche et brutale de celle qui, au bureau de cette A.G., participait avec ferveur à cette cérémonie du souvenir ?
De René Daniel
« Un mot de Jacques Crochet nous a appris la mort de lune de nos doyennes : Charlotte Audureau.
Bien quelle ait eu 86 ans, son décès nous a cependant très surpris et profondément affectés. Pourquoi ? Cest quà Clermont Ferrand, lors du dernier congrès Freinet, nous bavardions et plaisantions encore ensemble. Elle était là, parmi nous, toujours active et lucide, bien que de plus en plus voûtée, parlant de ses projets même.
Cela se passait du 22 au 27 mars
et le 8 avril, on linhumait dans son pays de toujours Pellegrue.
Charlotte Audureau sest-elle éteinte, usée ou na-t-elle pas survécu à une chute ? Selon ce que dit Micheline Lagarde, dans une lettre :
«
mais un jour, Charlotte a buté sur une marche, est tombée et na rien dit à ses filles pendant deux ou trois jours. Ces dernières ont bien vu quelle avait une marque au front
mais comme elle ne se plaignait pas
Cela lavait cependant bien ébranlée
»
Cette chute lui a-t-elle été fatale, ou comme lécrit Paul Jacquet : « Charlotte a succombé le 6 avril à une crise cardiaque, presque normale, après lintense activité que déployait encore cette femme de quatre-vingt-six ans. »
Cette disparition nous frappe cruellement.
« Audureau Pellegrue Gironde » Ces noms associés résonnent en notre mémoire. Ils ne se séparent pas. Nous nous les répétons moralement, comme dans les années trente, quand nous écrivions cette adresse en échangeant nos journaux scolaires.
Charlotte Audureau a été parmi les premières à répondre à lappel de notre ami Marcel Gouzil pour la constitution de notre association « Amis de Freinet ».
Par sa présence souriante à tous les congrès, elle manifestait son attachement au Mouvement Ecole Moderne quelle avait vu naître.
Dannée en année, notre amie nous étonnait par son enthousiasme, sa gaîté.
De Raoul Faure
Une lettre dEmile Thomas vient de mapprendre sa mort quelques semaines après le congrès de Clermont Ferrand où elle présida notre réunion des Amis de Freinet. Elle si alerte, si vivante, partout présente, partout si jeune desprit et de cur. Cétait notre doyenne.
Marie Claire Lepape pourrait nous en parler longuement puisquelle passa avec elle de longs moments lors de nos réunions. Charlotte, que jinscrivais sous ce nom dans la liste des équipes de correspondants que je dressai en 1928 avec ces 2 noms accolés :
Charlotte AUDUREAU Pellegrue Gironde
Honoré ALZIARY Le Thoronet Vaucluse
Son nom sajoutait pour moi à celui des militants de Gironde ceux que je connaissais physiquement ceux dont je ne connaissais que le nom et le militantisme.
Par la suite, je parlais souvent de Charlotte avec Marguerite. Je connus alors lorthographe de son nom qui fut toujours « chantant » en mon esprit comme une musique souvent répétée. Il y a ainsi des noms que lon aime se répéter, noms qui chantent comme une eau de source jaillissante.
Jaimerais que nos jeunes sachent que cette « petite vieille » était animatrice des jeunes du pays dans lequel elle avait enseigné leurs parents et même leurs grands parents. Car Charlotte était restée fidèle à Pellegrue. Cétait une rurale, et cest bien avec des ruraux que Freinet organisa sa pédagogie avec des ruraux qui vivaient avec des enfants à qui ils apprenaient à vivre en harmonie avec la vie du milieu ambiant, objet de leur connaissance et de leur sollicitude.
Charlotte, ta vie fut bien remplie, elle ta apporté des joies
celles qui sont les nôtres lorsque nous nous rencontrons entre amis qui ont uvré et qui oeuvrent toujours pour un idéal commun celui daboutir enfin à une vie fraternelle et heureuse pour tous les humains.
DAlziary
Avec Charlotte Audureau disparaît une des premières adeptes de « limprimerie à lEcole ». Elle a fait partie, en effet, de léquipe de la Gironde qui, spontanément et intensément, fit à Freinet une audience aussi fervente quactive ; et cela sous légide dune organisation comme la « Cinémathèque de lEnseignement Laïc ».
Les animateurs de cette dernière les Boyau, les Jacquet, les Salinier, Marguerite Bouscarrut, Gorce, Yves Caps
furent plus tard, avec Charlotte Audureau, des promoteurs de la « Coopérative de lEnseignement Laïc ».
Durant toute sa carrière, Charlotte na cessé de contribuer, de collaborer à limplantation des vues et des réalisations de la C.E.L. n°2. Elle y resta modestement, indéfectiblement attachée dans son école de village, en esprit comme en fait car, Charlotte a été le type même de la maîtresse décole rurale. Ce double aspect dune telle fidélité a marqué sa personnalité déducatrice. Ceux qui ont correspondu avec ses élèves étaient frappés par le naturel, la richesse, la vérité, la qualité de ses échanges. Cest un correspondant que lon conservait des années sur la liste des journaux à recevoir.
Tel journal, tel maître ou maîtresse : cétait bien vrai pour Charlotte qui, tout en étant mère de famille, trouvait le temps et la disposition desprit pour uvrer professionnellement sur divers plans et entre autres, au sein de la C.E.L. Avec sa discrétion naturelle, elle assistait à toutes les réunions, à bon nombre de congrès. Cétait une joie spontanée de retrouver son regard vif et clair où se glissait parfois une nuance dironie, toujours bien motivée
A la retraite, elle conserva sa curiosité desprit, son besoin de se dépenser. Elle voyagea beaucoup et, à Pellegrue, elle était la cheville ouvrière dune Maison
de Jeunes
et de la culture.
Ce don de sa personne fut sûrement la cause profonde dune notoire vieillesse, paisible et équilibrée qui redonnait confiance en la vie.
Elle a honoré notre corps de métier ; et elle a contribué à promouvoir lavenir de notre Ecole Moderne.
De Paul Jacquet
Jai connu Charlotte entre les années 1930 et 1939 lorsque nous nous rencontrions aux réunions du groupe girondin avec les Boyau, Gorce, Marguerite Bouscarut, tous disparus aujourdhui. Jai été mis à la retraite en 1941 et, depuis ce temps, je nai que rarement revu notre camarade, par exemple au congrès de Bordeaux en 56 avec Alziary et Freinet et, plus récemment au stage de Bazas et au congrès de Bordeaux en 1975. Chaque fois, je constatais chez elle le même enthousiasme, le même dynamisme, la même jeunesse.
Je nai pas fréquenté le groupe de nos jeunes pensant que je navais pas grand chose à leur apporter, que des souvenirs et cest pour cela que je ne connais pas en détail des activités de notre camarade. Je ne me suis rapproché des « Amis de Freinet » que depuis quest arrivée à Tabanac, Françoise Luc qui a voulu, quarante ans après, apporter encore à nos villageois les bienfaits de lEcole Moderne. Je sais que malgré la retraite, Charlotte Audureau a beaucoup donné delle-même dans diverses directions, quelle a sérieusement souffert de loccupation et que cest peut être la fatigue qui a permis à une crise cardiaque de lemporter quelques jours à peine après le congrès de Clermont.
« Lécole autrefois »
Dans cette brochure de la collection Enfantines, R. Dufour a retrouvé ce témoignage concernant le père de Charlotte, lui-même instituteur.
ajouter ici les dessins scannées
Dans les Landes, dit le grand-père de Pierrette Audureau, un vieux maître et son fils faisaient classe aidés de quelques moniteurs. Il y avait deux écoles de filles, l'une tenue par les religieuses dans un local payé par la « fabrique » (Association qui s'occupait de l'Eglise), une autre tenue par une maîtresse laïque exerçant dans sa propre maison.
Dans un hameau important et très éloigné, il y avait une autre école.
Mais cela n'était pas suffisant car cette commune des Landes est très vaste, et les enfants devaient venir parfois de huit kilomètres, depuis des hameaux perdus dans les pins. Ils venaient avec des échasses, parce qu'ils devaient traverser des étendues marécageuses :
cela les empêchait de se tremper les pieds et leur permettait de faire de très grands pas.
A 14 ans, j'allais encore à l'école. Mon père me conseilla de faire l'école les soirs d'hiver à des jeunes gens plus âgés que moi mais moins instruits. Je m'exerçais ainsi à mon futur métier d'instituteur.