- Y a-t-il un esprit
d'école ?
- par Paul Le Bohec
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- Voilà une question que l'on se pose souvent. Il serait
peut-être intéressant d'y réfléchir
vraiment pour savoir si ce phénomène est
bénéfique ou non. Mais, au fait, existera
réellement ? Au premier abord, il semble que l'on
puisse répondre par l'affirmative. En effet, on entend
souvent dans les Congrès : « Tiens, cela
doit venir de chez Hortense, de l'Ecole Freinet, de Pitoa, de chez
Madame Barthot... »
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- Cependant, en examinant la production de ces écoles sur
plusieurs années, on distinguerait peut-être, comme
chez les grands maîtres, des époques de
création. Dans beaucoup « d'écoles
artistes », c'est indéniable, il y a un style de
classe. Mais pourquoi ?
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- I. - LES ENFANTS. UNIFORMITE DES AGES DU MILIEU GEOGRAPHIQUE
ET SOCIAL
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- Essayons de débroussailler ce problème en
associant expérience et réflexion.
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- - A l'origine, il y a le fait même de l'école qui
rassemble, dans un même local, des enfants d'âge
équivalent et par conséquent de maturités et
de possibilités sensiblement équivalentes.
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- II - LINSTINCT D'IMITATION LIMITE L'INVENTION PERSONNELLE
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- Il y a l'instinct d'imitation. A ce sujet, il faut relire ce
qu'en dit Freinet dans « Psychologie
sensible » et plus particulièrement les passages
suivants :
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- « L'acte réussi appelle automatiquement sa
répétition. L'acte réussi par d'autres
entraîne la même répétition automatique
lorsqu'il s'inscrit dans le processus fonctionnel de
l'individu ».
- « L'imitation n'est jamais l'effet d'une
décision concertée. Elle ne demande jamais aucun
effort particulier ».
- « L'exemple... tend à se fixer tel quel, en
automatisme qui crée une tendance et suscite une
règle de vie parfois indéracinable ».
- « Mais, on n'imite pas indistinctement tous les
gestes dont on est témoin :
- - l'exemple n'est imité que si la chaîne est
encore en cours de formation. Si elle est définitivement
fixée en règle de vie, elle est imperméable
à l'exemple.
- - l'exemple est d'autant mieux imité qu'il s'inscrit
plus facilement dans la série de nos expériences
tâtonnées ».
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- On comprend que, lorsque de jeunes enfants sont réunis
dans une classe, ils sont dans les conditions requises pour
intégrer l'expérience d'autrui ; surtout si
l'on considère que c'est à l'école qu'ils
accèdent, généralement pour la
première fois, au monde de l'expression graphique.
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- III. - LES OUTILS ET TECHNIQUES SONT LIMITATIFS EUX AUSSI
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- - Il faut également considérer un
troisième point :
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- Les techniques employées sont elles-mêmes
limitatives, Sur le plan de la couleur, par exemple, les poudres
CEL permettent une infinité de combinaisons ; mais
c'est un infini limité, dans ce sens qu'elles ne
permettront jamais d'obtenir des effets d'encre de Chine, de
peinture à l'huile, d'émail, de fusain...
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- Il y a aussi les outils. Si l'on travaille uniquement avec des
pinceaux, on peut aller jusqu'au bout des possibilités de
ces outils mais on n'obtiendra pas ce qu'on obtient avec des
craies d'art, des stylos-feutres, des plumes...
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- Il y a aussi les supports : papiers, tissus... les
formats...
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- Chaque technique permet donc une progression dans un seul
secteur de l'éventail maximum des possibilités de
création. Se limiter à une technique, c'est limiter
la progression.
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- IV. - LINFLUENCE DU MAITRE PEUT PARALYSER L'INVENTION
PERSONNELLE
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- - Il y a un quatrième facteur de l'enchaînement
de la classe à un certain style : le maître. Si
sa conception est étriquée, si son angle de vision
est petit, s'il est lui-même enfermé, il est
évident que, sauf accident, la classe tournera en rond sans
jamais atteindre la vitesse de libération.
L'étroitesse d'esprit comme la
générosité du maître se manifestent
dans les outils qu'il offre, la place qu'il donne, le temps qu'il
permet et les genres qui lui plaisent.
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- V. - L'EVENTAIL DES THEMES D'INSPIRATION EST PEU OUVERT
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- - Enfin, à mes yeux, il y a un autre facteur qui est
d'ordre psychologique. C'est mon expérience personnelle qui
m'y fait penser. En effet, dans ma classe, où règne
pourtant une grande « liberté
littéraire », les mêmes thèmes de
l'oiseau et du petit garçon refleurissent chaque
année. Il ne faut pas s'étonner que des enfants,
vraiment libres de leur sujet, choisissent des thèmes qui
correspondent si parfaitement à leurs personnalités
profondes.
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- VI. - LE FACTEUR PSYCHOLOGIQUE NOUS LIVRE LES IMPONDERABLES
DES PERSONNALITES QUI NE PEUVENT ECLORE QUE DANS UN CLIMAT DE
SUBTILITE.
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- Les thèmes qui refleurissent chaque année nous
livrent des données affectives, intellectuelles, qui
varient d'une année à l'autre. Si l'enfant, dans la
création, reste identique à ce qu'il fut, ou
même plus pauvre, c'est qu'il y a perte d'élan.
Piétinement à corriger.
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- C'est ici qu'est grande et subtile la part du
Maître : il faut à tout prix briser
l'étau et ouvrir le champ émotionnel en orientant
l'enfant vers une création plus éloquente, plus
décorative, plus complexe contenant des
éléments nouveaux susceptibles de devenir facteurs
d'équilibre.
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- Le style ne doit pas être le signe d'un automatisme,
mais bien la lame de fond qui alimente sans cesse le courant de
surface.
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- P. LE BOHEC