Paul Le Bohec
par Loïc Le Guillouzer
 
De 1947 à 1970, Paul Le Bohec a vu défiler des générations de petits Trégastellois aux écoles de Trégastel. En 1953, j'ai eu la très grande chance d'en faire partie et d'être accueilli dans sa classe avec ceux de mon âge au cours préparatoire. Je ne dirais pas que je me suis assis sur les bancs de son école, car cette image poussiéreuse ne collerait pas avec la pédagogie de Paul. Ses méthodes étaient, comme je l'entendais dire pas plus tard qu'hier par une Trégastelloise dont les enfants avaient fréquenté sa classe, «modernes et colorées». À la vérité nous étions plus souvent debout qu'assis, à travailler dans nos ateliers d'imprimerie, de dessin, de céramique, de poterie, solfège, musique ou de créativité en tous genres. La classe de Paul était plutôt comme une ruche dans laquelle nous, les enfants, échangions de façon enthousiaste et ouverte avec notre maître, mais aussi entre nous. Paul avait ce souci permanent de solliciter tous les aspects de l'expression-création et de rechercher ce qu'il y avait de meilleur en chaque enfant. Avec lui, pas de bonnet d'âne: nous étions tous bons en quelque chose. Il était aussi celui qui nous faisait sortir de la classe, pour des séances de sport et des études de terrain sur les grèves ou dans la nature. Nous avions tous beaucoup d'admiration et d'affection pour ce grand bonhomme, footballeur de surcroît, d'une gentillesse à toute épreuve.
 
Paul ne nous préparait pas simplement à un avenir professionnel car sa mission et sa pédagogie étaient beaucoup plus vastes: il nous préparait à notre vie d'hommes et de femmes (puisque par la suite les classes sont devenues mixtes) et au-delà de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de l'arithmétique qui se faisaient de façon tout à fait naturelle, nous avions aussi intégré pour la vie l'importance de la musique, de la création littéraire ou artistique. Nous savions que chaque enfant, chaque futur adulte, avait son domaine de prédilection et que chacun pouvait trouver sa place dans un monde en pleine évolution. C'est d'ailleurs ce que me disait tout récemment un ancien élève de Paul lui aussi, un peu plus âgé que moi, qui se reconnaîtra peut-être dans ces propos: nous, petits Trégastellois de l'époque, nous nous en sommes bien sortis, et si chacun a su se réaliser dans sa voie, il le doit en grande partie à Paul Le Bohec qui nous avait armés de confiance pour la vie. Sur un plan plus personnel, j'ajouterais que rétrospectivement, ce qui m'avait impressionné chez Paul dans les trop rares occasions où nous nous sommes rencontrés par la suite, c'est cette façon qu'il avait d'associer les notions de travail et plaisir; si j'en ai fait à mon tour comme une règle de base dans ma vie professionnelle puis dans mes responsabilités d'élu, c'est en grande partie à lui que je le dois.
 
Je rappellerai pour conclure l'un des tout derniers passages de Paul Le Bohec à Trégastel: lorsqu'il y a bientôt un an de cela, je l'avais invité à revenir à l'école de Trégastel pour la signature de son livre au titre révélateur: «L'école, réparatrice de destins?», il avait accepté avec enthousiasme. Ce jour-là, ses anciens élèves sont venus en grand nombre, certains de très loin pour des retrouvailles chaleureuses. J'ai pu remarquer que Paul nous reconnaissait tous, qu'il se rappelait sur chacun d'entre nous un détail caractéristique et qu'il avait conservé son extrême gentillesse. Sans nostalgie, mais avec un plaisir partagé, nous avons donc échangé sur ces années d'école où nous faisions ensemble l'apprentissage de la vie. Je ne sais plus si j'avais pensé à le remercier ce jour-là: quoi qu'il en soit, je le fais ou le refais aujourd'hui du fond du cÏur, en mon nom personnel et aussi au nom de tous ces petits Trégastellois devenus grands: merci Paul!
Loïc Le Guillouzer
Mercredi 14 janvier 2009