- Le rôle d'Élise
- par Paul Le Bohec
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- Le rôle d'Élise Freinet a été d'une
importance considérable.
- On peut même se demander si, sans elle, le Mouvement
aurait existé.
- Tout d'abord, elle était la compagne de Freinet. On dit
qu'un tourbillon ne peut s'établir qu'à la rencontre
de flux de sens opposés.
- Avec de telles personnalités, leur tourbillon a
été si fort qu'il en a suscité une
quantité d'autres.
- Ils étaient en relation dialogique, c'est à dire
complémentaires, contradictoires et opposés. Et il
s'est produit qu'au début du mouvement, ceux qui ont
adhéré à leur conception de l'école
populaire travaillaient très souvent dans des écoles
rurales à deux classes, infiniment nombreuses à
cette époque.
- Elles étaient souvent tenues par un couple
d'instituteurs, la femme s'occupant des petits et le mari des
grands.
- Et c'est un ensemble de tourbillons qui a créé
le mouvement. Étant de cultures différentes
(Élise était fille d'instituteurs) l'action du
couple Freinet a été très étendue. En
tant qu'artiste, on avait offert à Élise un poste de
choix à Paris. Mais elle avait préféré
rester avec Freinet.
- Cependant ce renoncement à la poursuite d'une
carrière personnelle l'avait poussée à
s'intéresser au développement de ce qu'elle a
appelé « l'art enfantin ». Mais elle s'est
heurtée d'emblée à un obstacle de poids : les
enseignants du primaire n'avaient aucune culture dans le domaine
artistique. Ils avaient été formatés au
calcul - orthographe. Pour toute autre qu'Élise, la
difficulté serait apparue insurmontable...
- Comment, étant donné le vécu artistique
microscopique des enseignants de ce temps, a-t-elle pu croire que
quelque lueur non définitivement éteinte avait pu
survivre par miracle chez certains d'entre eux ? Et c'est avec ces
personnes en friche qu'il lui a fallu mener la bataille. Elle n'a
pas ménagé sa peine donnant des renseignements
techniques, critiquant les oeuvres qu'on lui soumettait,
organisant des circuits d'albums, des expositions aux
congrès pour finir par l'édition d'une revue
soutenue par des artistes (Dubuffet, Lurçat, etc.).
- C'est à ce prix que l'art enfantin a enfin pris sa
place dans le Mouvement et qu'il ne l'a plus quitté. Mais
son si fort investissement dans ce domaine a permis de
sérieuses avancées dans d'autres domaines.
- En effet, personne au niveau des parents ou de
l'administration ne se souciait d'art. Aussi, nous
bénéficiions d'une très grande
liberté. Nous avons pu poursuivre de nombreuses
expériences. Élise était ouverte à
toutes les idées et soutenait tous ceux qui
s'avançaient sur des territoires vierges. Et, ainsi, nous
avons pu librement mettre au point une méthode naturelle
d'expression graphique et picturale. Il ne restait plus
qu'à la transposer dans d'autres domaines qui
étaient corsetés.
- Paul Le Bohec