- Tribune de Discussion
- PLASTICITÉ de L'ÉDUCATEUR
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- Dans L'Educateur N°18 du 15juin 1961, Dupuis pose la
question suivante : « Qui croit avoir trouvé
une manière efficiente de mettre le texte libre au point
avec la participation active de toute la
classe ? ».
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- A mon avis c'est une question importante qui permettra d'en
aborder une autre : celle de la plasticité de
l'éducateur.
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- Il serait peut-être utile, pour commencer de
définir exactement l'expression :
« Participation active de toute la classe ».
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- Pourquoi parler de participation active ? Est-ce qu'une
participation passive n'est pas également efficace ?
Si l'on en croit les études récentes, il semble
qu'on assimile plus facilement lorsqu'on est détendu,
décontracté. C'est ainsi que Jacques Hademard
écrit : « Pour trouver, il faut chercher
à côté ». Et un auteur allemand
relatant son expérience du Zen écrit :
« Pour atteindre la cible, c'est quelque chose, en
quelque sorte en dehors de nous, qui doit tirer ».
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- Mais cette façon de penser nous est peu
familière. Et nous avons été trop
habitués à la méthode des bras croisés
et de l'enseignement salivaire. Pour que ça marche, il faut
que tout le monde écoute. Et si la classe entière
n'a pas l'air d'écouter, si Bernard suit sa mouche des
yeux, l'instituteur est gêné et sa machine exposive
ne peut fonctionner. On connaît le problème car on ne
se délivre pas facilement du plaisir de l'exposé, on
renonce difficilement à la béatitude du pontificat.
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- Dans ce domaine de l'attention, comme partout ailleurs,
paraître ne suffit pas, il faut être. Et lorsque Yvon
tire la langue sur son dessin, n'ayant souci en apparence que de
couleurs et de formes, il est beaucoup plus présent qu'on
ne le croit. De cela, tous les parents ont une grande
expérience qui voient soudain leur enfant se mêler
à la conversation alors qu'ils le croyaient à cent
lieues.
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- Aussi on peut affirmer que lors d'une séance de mise au
point d'un texte libre, il peut y avoir 15 ou 18
élèves présents effectivement même si 2
ou 3 garçons seulement prennent la parole. Cela se mesure
d'ailleurs à l'intensité de leur silence.
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- En fait, ils participent en prenant parti d'une façon
toute intérieure pour l'un de leurs camarades qui discute
ou pour l'un quelconque des personnages de l'histoire en cours.
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- Et sur le plan des acquisitions proprement dites
(enrichissement du vocabulaire, agrandissement du cercle de
vision, approfondissement de la pensée), il y a profit
certain. En effet, les matériaux fournis par le
maître et les deux ou trois élèves plus
doués sur le plan de la pensée ou de l'expression
orale sont copieux. et ce sont des matériaux assimilables.
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- Mais cette vérité est difficile à
accepter. Au fond, nous avons peur. Les enfants viennent à
l'école pour travailler et s'ils se taisent, est-ce qu'ils
travaillent ?
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- Voilà ce qu'on se dit.
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- Mais de toute façon, en changeant de
procédé, en revenant à la leçon
exposée, les résultats sont nettement
inférieurs. Oui, ils paraissent présents, mais on
s'évertue, on reprend sans cesse l'explication ou la
démonstration. Peine perdue : autant en emporte le
vent. Ils sont partis au pays où la craie redevient
falaise, où le porte-plume redevient oiseau. Ils ne
participent pas parce qu'ils n'ont pas faim. La nourriture qu'on
leur offre ça ne les intéresse pas ou si peu.
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- Aussi peut-on sans danger, sans mauvaise conscience essayer
autre chose que la leçon du maître car il est
difficile de faire plus mal.
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- Maintenant, plus que jamais dans ces années 60, les
enfants ne peuvent être touchés que par ce qui
s'inscrit dans une expérience vécue,
approchée, côtoyée, extrapolée ou
devinée.
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- Et les expériences de leurs camarades sont cent fois
plus proches d'eux que le meilleur exposé du maître.
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- Les idées et les matériaux linguistiques fournis
par les autres élèves, matériaux
étendus, agrandis, approfondis par le maître sont les
meilleures pierres de leur savoir et de leur expression,
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- Il faudrait que Freinet reprenne cette notion de participation
active pour tranquilliser les éducateurs qui se sentent des
devoirs qui sont en fait des devoirs seconds.
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- LE BOHEC
- Trégastel (Côtes-du-Nord).