Pour
transformer les disciplines scolaires
L'histoire vivante
Hostier est chargŽ de collecter tous les envois des
classes sur la vie autrefois d'aprs l'histoire locale (EP 2, oct. 38, p. 34).
Freinet prŽconise l'exploitation systŽmatique des archives locales (mairie,
familles) et profite du 150e anniversaire de la RŽvolution pour cibler la
recherche (EP 10, fŽv. 39, p. 225). Il reoit les encouragements de Romain
Rolland qui lance l'idŽe d'une chanson de geste populaire de la RŽvolution
Franaise. Une rubrique de La Gerbe publiera des documents
recueillis. Guillard et Molmerret (Isre) ont ŽditŽ leurs propres recherches
sur La RŽvolution en DauphinŽ.
Les sciences
Coqblin (Nivre) indique comment construire et peupler
un vivarium pour la classe (EP 2, oct. 38). GaŽtan Vovelle (Eure-et-Loir) a
essayŽ de rŽaliser un systme simple de dŽtermination des plantes et propose
son aide pour prŽparer avec des collgues des BT sur la botanique (EP 16, mai
39, p. 362). Il a rŽdigŽ une petite brochure Ce qu'on peut voir dans un
petit microscope. Elle ne sera publiŽe en BT
qu'aprs la guerre.
Le dessin
Pierre Rossi, l'illustrateur du premier livre de
Freinet (Tony l'assistŽ) avait donnŽ cržment son point de vue sur
l'enseignement du dessin dans L'Ecole LibŽratrice et soulevŽ un chÏur de critiques intercŽdant pour l'enseignement
traditionnel de cette discipline. Freinet propose une expŽrience (EP6, dŽc. 36,
p. 145): Dressez mŽthodiquement, par vos meilleures leons, les enfants de 5
ˆ 9 ans d'une classe. Laissez pendant une annŽe des enfants du mme ‰ge
dessiner librement dans une classe rŽnovŽe par nos techniques. A la fin de
l'annŽe, exposez les travaux des uns et des autres: on admirera peut-tre la
patience et l'habiletŽ des premiers et on louera surtout le talent du ma”tre.
Mais devant les Ïuvres des seconds - et devant celles-lˆ seulement - les gens vibreront,
satisfaits. Il donne la parole ˆ Rossi qui
s'insurge contre l'attitude des adultes devant le dessin d'enfant (EP 12, mars
37, p. 256) : Qu'on ne vienne pas parler de la pauvretŽ d'imagination de
l'enfant! C'est l'adulte qui est pauvre! Son cerveau para”t plus rempli, mais
il est le plus souvent encombrŽ de choses mortes et hors d'usage. Les images de
notre enfance avaient de profondes rŽsonnances, une fra”cheur que le souvenir
ne peut que trs faiblement nous restituer mais qui nous Žmeuvent encore s'il
nous est donnŽ de les revoir. La vivante imagination de l'enfant l'emporte,
d'un coup d'aile, dans un monde tout ˆ fait diffŽrent du n™tre.
Malheureusement, les adultes se chargent de rompre le charme et de le ramener,
brutalement parfois, vers la terre.
Davau (I. et L.) a exposŽ ˆ plusieurs reprises les
peintures ˆ la colle rŽalisŽes dans sa classe et, devant l'intŽrt suscitŽ, il
explique en deux articles (EP 20, juillet 37, p. 269 et EP 3, oct. 37, p. 65)
sa pratique de la peinture. Il sera l'un des auteurs de la BENP sur le dessin,
avec Elise Freinet qui n'est pas encore acquise ˆ ce matŽriau.
Lisette Vincent Žcrit sur Le dessin spontanŽ des
enfants (EP 10, fŽv. 38, p. 210). R. Lallemand fait
l'Žloge funbre d'HŽlne Guinepied, artiste peintre qui s'Žtait intŽressŽe aux
jeunes enfants qu'elle faisait peindre en grand format (EP 18, juin 38,p. 367).
Van Schoor qui a publiŽ un livre en flamand sur la pratique de la linogravure ˆ
l'Žcole montre (EP 11, mars 39, p. 258) que la pratique de l'imprimerie et des
Žchanges est une motivation des travaux graphiques des enfants.
CinŽma et photo
Le problme des formats empoisonne l'avenir du cinŽma
ˆ l'Žcole. Boyau fait le point (EP 1, oct. 35, p. 14; EP 4, nov. p. 86 et EP 5,
nov. 36, p. 113). Le duel n'existe plus entre les formats 9,5 et 16 car le
dernier l'a emportŽ puisqu'aucune subvention n'est plus accordŽe au premier.
Cela provoquera la crŽation d'une "ligue de dŽfense du 9,5" (EP
12-13, mars 36). La cinŽmathque coopŽrative est transfŽrŽe sur Bordeaux et
recherche des films de 16mm au prix le plus avantageux. Mais comme il existe de
nombreuses classes ŽquipŽes en PathŽ-Baby, une motion du congrs (EP 13, mai
37) demande le maintien des Žditions en 9,5 jusqu'au remplacement par des
appareils plus perfectionnŽs. L'Žditeur proteste (EP 3, oct. 37) en disant que
l'Ždition n'a pas cessŽ, mais il s'agit de films de 60 ou 100m qu'on ne peut
passer sur les petits appareils qui n'acceptent que les bobines de 10 ou 20m.
D'autre part les prix ont ŽtŽ largement augmentŽs. BrŽduge devient responsable
du cinŽma (EP 12, mars 39, p. 285). Le stock de films 9,5 de la cinŽmathque ne
sera pas renouvelable car PathŽ ne les rŽŽdite plus. Certains estiment que le
8mm serait le format le plus Žconomique pour la classe.
Boyau donne des conseils pour rŽaliser un film: choix
du sujet, dŽcoupage (EP 1, oct. 36, p. 13). Dans un exposŽ au Congrs
International de l'Education Populaire, ˆ Paris, il propose (EP 1, oct. 37, p.
14) la multiplication de petits films rŽalisŽs par les enfants.
Une fois n'est pas coutume, une longue critique, trs
Žlogieuse, d'un film commercial par Elise Freinet (EP 15, mai 36, p. 306). Il
s'agit du film de Chaplin: Les Temps modernes.
En photo, M. Lallemand (Charente Inf.) donne des
conseils pour le dŽveloppement des pellicules et l'agrandissement (EP 19,
juillet 38, p. 394).
Musique et disques
En novembre 35 (EP 4), la CEL envisage l'Ždition de
plusieurs disques: 6 d'espŽranto, 3 pour Žvolutions rythmiques, 3 de morceaux
choisis de poŽsie et littŽrature, 3 de chants. La mme annŽe, para”t un numŽro
spŽcial (EP 8-9) Le Disque ˆ l'Žcole primaire de
Y et A Pags. On y annonce 6 disques pour apprendre ˆ chanter, 12 chansons
interprtŽes par Madeleine Decroix, de la GaietŽ Lyrique. En l'absence de Pags
au Congrs International de l'Enseignement, pendant l'exposition de 1937 ˆ
Paris, c'est Davau qui fait un exposŽ sur le disque d'enseignement et son
utilisation pŽdagogique (EP 1 et 2, oct. 37, p. 17 et 38).
Petite polŽmique sur le pipeau. Mlle Lavieille (Loire)
conseille la fabrication des pipeaux de bambou (EP 3, nov. 36, p. 67). Quelques
mois plus tard, R. Lallemand se fait l'Žcho d'une rŽaction de Lina Roth (EP 10,
FŽv. 37, p. 223) qui critique les pipeaux de bambou, manquant de justesse, et
prŽfre le pipeau de cellulo•d qu'elle juge plus juste. Il faut dire qu'elle
soutient son modle diffusŽ par Nathan. Gachelin (E. et L.) prŽcise sa pratique
d'airs simples avec les enfants (EP 11, p. 246). Mme GuŽritte, de la Guilde des
pipeaux, proteste contre les affirmations de Lina Roth (EP 17, juin 37, p. 225)
: Miss James a fabriquŽ ses pipeaux en bambou parce que, flutiste de talent,
elle trouvait le son des flageolets de cellulo•d trop vilain, cette matire
donne un son aigre alors que le bambou donne un son moelleux. Jean Boecks, instituteur belge (qui deviendra aprs la guerre le
responsable des CEMEA de son pays) fait le point sur les divers pipeaux (EP 1,
oct. 37, p. 20). Il prŽfre le pipeau de bambou, moins cher et mieux adaptŽ ˆ
chaque utilisateur que celui en cellulo•d. La flžte ˆ bec est ce qu'il y a de
mieux mais cožte beaucoup plus cher. La conclusion, provisoire, sera donnŽe (EP
10, fŽv. 39, p. 232) par Mlle Lavieille qui cite des textes d'enfants algŽriens
sur leurs flžtes de roseau et par Vovelle qui se rŽfre ˆ son fils et ˆ ses
Žlves cherchant ˆ reproduire par t‰tonnements les chants qu'ils aiment.
Un peu plus t™t (EP 7 et 8, janv. 39, p. 146 et 169),
Freinet avait remis en question l'enseignement traditionnel de la musique : Quelle
technique, alors, allons-nous prŽconiser? Mais exactement comme pour les autres
acquisitions: l'expression libre et synthŽtique ˆ la base de toute activitŽ,
l'acquisition par des mŽthodes globales exclusivement, les procŽdŽs analytiques
n'intervenant que fort tard quand l'Žlan est donnŽ et qu'on comprend le sens de
certaines dissections - acquisitions techniques (notes, mesures, etc.), au
cours de ces rŽakisations vitales, par la collaboration des Žducateurs. Dans
nos Žcoles, nous disons : parler, rŽdiger et lire... Pour la musique, nous
dirons de mme : chanter d'abord, chanter les chants entendus autour de soi,
mais aussi des chants crŽŽs sur des modes simples, ˆ la mesure des possibilitŽs
enfantines - notation de ces chants, lecture et reproduction des chants notŽs -
initiation familire toute de vie et de crŽation qui dŽbordera bient™t ce cadre
Žtroit pour partir ˆ la conqute de la culture musicale. Mais les moyens d'y
parvenir, dira-t-on? Qu'on ne commette pas contre nous cette mme erreur dont
nous avons ŽtŽ si longtemps victimes. Qu'on ne croie pas que nous sommes contre
tout apprentissage, contre toute technique, que nous recommandons simplement de
laisser les enfants libres. Nous ne sommes pas, on le sait, pour cette libertŽ
toute nŽgative qui n'est qu'un mot, et dangereux. Mais il y a certainement une
autre technique d'apprentissage que celle qui est habituellement employŽe et
dont nous venons de faire le procs. C'est cette technique qu'il nous faut
dŽcouvrir et prŽciser, comme nous avons permis la crŽation pratique et
effective d'une nouvelle technique pour l'apprentissage de la langue, du
calcul, du dessin.
Lemoine (Meuse) insiste sur le besoin de faire chanter
aux enfants des chants populaires (EP 11, mars 39, p. 262). Il Žvoque ses
rencontres avec des groupes allemands, dans les annŽes 20. SpontanŽment et sans
s'tre concertŽs, ils pouvaient entonner en chÏur des chants trs divers qu'ils
avaient appris ˆ l'Žcole dans leur enfance. Freinet lui confie une nouvelle
commission qui rŽunira les plus belles chansons de folklore, susceptibles d'tre
chantŽes ˆ l'Žcole.
La radio
Pags signale (EP 4, nov. 36, p. 81) que l'Žmetteur de
la Tour Eiffel diffuse en fin d'aprs-midi (17H10 ˆ 17H40) des Žmissions
scolaires. Il critique l'heure tardive, le style confŽrence. De plus, cet
Žmetteur ne couvre qu'une partie de la France. Il rŽdige des propositions (EP
9, fŽv. 37, p. 195) pour adapter la radio aux nŽcessitŽs de l'enseignement
primaire en refusant l'Žcoute passive. Plan de sŽances de 20 ˆ 30 minutes
maximum : nouvelles d'actualitŽ expliquŽes aux enfants; nouvelles sportives;
reportages courts (10 ˆ 15 min) sur un sujet de la vie moderne (grande ville,
voyage en train, paquebot, avion, grand magasin); pice comique (farce ou
extrait de comŽdie); morceau de musique; collaboration des enfants pour la
sŽlection de textes ou de tŽmoignages. Un bulletin de Radio Scolaire devrait
prŽparer l'accueil des Žmissions afin d'en tirer profit.
Freinet (EP 12, mars 38, p. 253) rŽclame la
modernisation de la radio scolaire: Avec des enfants ˆ l'approche de la
pubertŽ, les journaux semblables aux journaux d'adultes sont particulirement
apprŽciŽs. Une dame passionnŽe ˆ l'Žducation vivante et moderne de ses enfants
nous demandait rŽcemment: "Existe-t-il un journal non dŽformŽ par les
passions politiques auxquelles l'enfant ne peut pas encore tre directement
mlŽ, et qui, cependant, lui apporterait les nŽcessaires informations sociales
et politiques auxquelles il est dŽjˆ mlŽ et qu'il a le droit et le devoir de
conna”tre?" Ce que la presse n'a pas encore su rŽaliser, la Radio le
tentera-t-elle? (...)
La vie des enfants par la correspondance
interscolaire est une des nouveautŽs qui doivent s'imposer ˆ la Radio
scolaire et sut laquelle nous
insistons ˆ nouveau. Nous avons montrŽ techniquement, pratiquement, que l'un
des besoins essentiels des enfants est leurs besoin d'expression, le dŽsir
qu'ils ont de s'extŽrioriser, de faire conna”tre non seulement ˆ leurs proches
mais aussi aux personnes ŽloignŽes, leurs besoins, leurs joies, leurs peines,
leurs jeux... leur vie. (...)
Le folklore est un des ŽlŽments merveilleux de la
vie des enfants. (...) Mais on doit descendre
plus prs des enfants, entendre de leur propre voix les traditions des diverses
rŽgions de France ˆ l'occasion des ŽvŽnements pŽriodiques qui jalonnent encore
les rŽjouissances enfantines: les vendanges, les semailles, No‘l, les Rois,
Carnaval, P‰ques, le printemps, etc.
Nous ne sommes pas du tout contre les jeux de
toutes sortes. Nous disons seulement qu'ils ne doivent pas tre l'essentiel
mais l'accessoire, et que, dans ce domaine aussi, il faut descendre le plus
prs possible des enfants en leur donnant au maximum la parole.
L'Žducation physique
Vigueur (Eure-et-L.) lance un appel (EP 3, nov. 36)
pour constituer une rubrique sportive dans La Gerbe et une enqute sur les
jeux de folklore et jeux d'enfants. Gauthier (Loiret), ˆ propos de l'heure
quotidienne d'Žducation physique expŽrimentŽe dans plusieurs dŽpartements,
insiste sur plusieurs problmes (EP 4, p. 83): lieu (cour convenable et prŽau
en cas de pluie); allgement des programmes pour trouver le temps nŽcessaire;
manque de tenue sportive pour les filles; enfants mal nourris (la cantine est
un progrs, mais il faut l'argent); enfin, responsabilitŽ en cas d'accident.
Freinet (EP 11, mars 37, p. 249) fait l'Žloge du livre
de Georges HŽbert, L'Education Physique, virile et morale par la mŽthode
naturelle (Vuibert): Depuis de longues annŽes,
un homme, G. HŽbert, mne contre cette gymnastique irrationnelle le mme combat
que nous poursuivons contre l'enseignement scolastique. Que nous importent les
idŽes sociales de ce novateur, son admiration peut-tre pour des rŽgimes que
nous abhorrons! Si ces idŽes sont bonnes, nous devons nous en saisir et en
bŽnŽficier.
DŽbordant le domaine scolaire, Vigueur (EP 6, dŽc. 36,
p. 141) rappelle que le Centre La•que des Auberges de Jeunesse ne se contente
de proposer des gites d'Žtapes et des auberges dissŽminŽes en France, mais
organise, notamment dans la rŽgion parisienne, des moyens de s'instruire
(visites, confŽrences), de se distraire, de s'entra”ner (patinage, cyclisme,
marche, escalade, etc.).
L'Žvaluation
Jean Mawet (EP 4, nov. 35) fait Žtat du carnet de
communication utilisŽ en Belgique (en France, on l'appelle "de
correspondance"). On n'y note pas seulement les rŽsultats scolaires mais
des apprŽciations diverses: soins aux livres, propretŽ des mains, observation
du rglement adoptŽ par la classe, initiative, franchise, conduite dans les
jeux. S'y ajoutent des observations des Žducateurs et des parents.
En dehors du Primaire
Pour l'Žcole maternelle, Lisette Vincent qui a
vraisemblablement surmontŽ son diffŽrend avec Freinet, raconte (EP 20, juillet
37) ses pratiques alors qu'elle avait 84 Žlves de 3 ˆ 6 ans, dont une
vingtaine de petits Arabes venant de la montagne, primitifs et turbulents. La
rubrique se continue (EP 8 et 9, janv. et fŽv. 38).
En Cours
ComplŽmentaire, Charbonnier (Allier) parle de ses pratiques (EP 13-14 et 17,
avril et mai 38), puis Didelot (Vosges) prend le relais (EP 10 et 11, fŽv. et
mars 39).
Straub (Bas-Rhin) qui anime des cours d'adultes
raconte les Žchanges fructueux et motivants avec des cours analogues de La
Rochelle, du Var et du Haut-Quercy (EP 3, nov. 35).
En classe de perfectionnement, Bertrand (Lot-et G.) fait part de son expŽrience avec des enfants gŽnŽralement instables qui parviennent ˆ fixer leur attention pour composer et imprimer leurs textes (EP 17, mai 38, p. 337).