Le naturisme
Cette rubrique est devenue la spŽcialitŽ d'Elise
Freinet. Un nouveau livre d'elle est annoncŽ: Synthse naturiste pour
l'enfant, mais il ne pourra tre ŽditŽ que lorsque
le prŽcŽdent Principes d'alimentation rationnelle aura couvert tous ses
frais (EP 1, oct. 35, p. 18). En rŽalitŽ, ce livre devra attendre 1946 pour
sortir sous le titre: La santŽ de l'enfant. Une
coopŽrative d'entr'aide naturiste propose du miel, du riz, des fruits secs et
des pommes.
Une sŽrie de trois articles (EP 15, 16, 17, mai et
juin 36) traite de la guŽrison et critique le compartimentage de la mŽdecine.
En Žcho, Albert Belleudy, qui travaille ˆ l'Žcole Freinet, explique comment les
cures naturiennes du Professeur Adrien ont guŽri sa vue (EP 18). En octobre 36,
la rubrique prend comme titre Pour un naturisme matŽrialiste. On comprend ce choix quand Elise analyse la position de Marx (EP
6,dŽc. 36, p. 140): En agissant sur la Nature, en dehors de lui, l'homme
modifie en mme temps sa propre nature. Et elle
ajoute: Le dernier problme est de savoir s'il l'a modifiŽe jusqu'ici en
faveur de la vie et vers un potentiel accru . Un
ŽlŽment de rŽponse est donnŽ dans le plaidoyer pour le modernisme ˆ partir du
livre d'Iline, citŽ prŽcŽdemment. Un article signŽ E. et C. Freinet annonce (EP
17, juin 37, p. 224) la suspension momentanŽe de la rubrique ˆ cause de
l'abondance de matire pŽdagogique mais conclut: Nous vous proposons de
faire de l'Žcole Freinet un centre naturiste o, paralllement au stage
pŽdagogique, vous puissiez faire un stage de thŽrapeutique naturiste. Nous
montrerons comment, ˆ notre avis, doit tre abordŽ le problme total de
l'Žducation des enfants: technique de la construction scolaire, soins
quotidiens aux enfants et aux adultes, apprentissage de la technique naturelle
de la thŽrapeutique enfantine, alimentation, camping, etc. Ainsi sera posŽe en
profondeur cette conception synthŽtique de l'homme et de l'enfant qui, en
dŽtruisant dans les pŽdagogues que nous sommes la manie pŽdagogique, ouvrira
notre esprit aux aspects plus Žloquents de la vie.
Elise fait une critique du livre La RadiesthŽsie de H. Mellin(Imp. St-Denis) qui ne lui arrache pas d'indulgence (EP
20, juillet 37, p. 275). Aprs avoir ŽnumŽrŽ tout ce que l'auteur annonce qu'on
pourra dŽcouvrir avec un pendule, elle conclut : Mais pour acquŽrir ces
vŽritŽs, direz-vous, il n'est point besoin de pendule, l'intuition y suffit et
une manire de luciditŽ qui doit accompagner tous nos actes d'tres conscients.
La rubrique, devenue Naturisme prolŽtarien, reprend ˆ la rentrŽe 37 (EP 2, p. 41) avec un article de
"notre regrettŽ Vrocho": Il n'y a que des malades (plut™t que des
microbes ou des maladies). Elise retrouve la plume (EP 3, p. 69) pour dŽcrire
les caractŽristiques physiologiques de l'espce humaine qui devraient en faire
un fructivore, comme les grands singes.
Elle s'attaque (EP 6, dŽc. 37, p. 115) au stockage des matires
alimentaires qui doit nous tre suspect: frigo, autoclave et davantage encore
l'industrie alimentaire qui ajoute colorants, essences artificielles, sucres en
excs, produits chimiques divers. Le n¡ suivant (p. 165) donne des recettes
avec fruits secs d'hiver et pommes. Elle donne la parole ˆ R. Lallemand qui
explique (EP 10, p. 214) que, mme dans les Ardennes o il habite, on peut
manger froid l'hiver. Comme il conclut: Avec 3 morceaux de sucre pour la
randonnŽe pour composer la pharmacie de secours,
Elise ajoute: Des allumettes ne suffisent-elles pas en fort si le
thermomtre descend au-dessous de - 10¡ ?
Lallemand qui ne lui en veut pas pour son
extrŽmisme, plaide contre le pain blanc (EP 12).
Une lectrice trouve que le rŽgime vŽgŽtarien, s'il
amŽliore la santŽ, rend exagŽrŽment fragile (le moindre bonbon indispose). Elise rŽpond (EP 19, juillet 38, p. 397) que le vŽgŽtarien rŽagit
nŽgativement ˆ l'absorption de ce qui ne lui convient pas alors que l'omnivore
accumule les toxines: Le microbe sent l'aubaine favorable, il prolifre ˆ
qui mieux-mieux... c'est la maladie. Dans le meilleur des cas, l'organisme
mesure ses rŽsistances et se dŽfend dans un accs terrible de fivre et de
dŽb‰cle glandulaire. C'est la crise: fivre typho•de, grippe, congestions
diverses. Elle n'Žtait peut-tre pas obligŽe
d'ajouter: Dans les pires cas, c'est l'usure ˆ longue ŽchŽance, le corps se
rend sans combat : c'est la tuberculose, le cancer, la dŽmence -
"ImpunŽment" Madame? Oh! non, pas impunŽment... pas mme pour votre
intelligence...et pour la politesse que je vous dois... On ne
badine pas avec le naturisme! Le n¡ 20 prŽcŽdant les vacances parle de son
application en camping.
L'annŽe scolaire 38-39 ouvre sur le pain (EP 1, p.
20). Il faut modŽrer sa consommation et le pain intŽgral est une erreur
alimentaire. Des lecteurs ont questionnŽ : "Pourquoi un naturisme prolŽtarien?
L'organisme du bourgeois ne relve-t-il pas de la mme hygine que celui du
prolŽtaire?" Elise rŽpond (EP 2, p. 42): Tout comme l'intelligence, la
santŽ a un aspect de classe. Celui qui ne travaille pas ou travaille dans des
conditions privilŽgiŽes de confort et d'hygine, ignore le surmenage et
l'insalubritŽ quotidienne. L'ouvrier n'a que trop souvent le taudis, la rue
sombre, l'estaminet, le petit restaurant bon marchŽ o l'on mange, hŽlas! la
nourriture bon marchŽ qui conduit ˆ l'h™pital. Oui, la santŽ aussi a un aspect
de classe: les h™pitaux regorgent de cette misre prolŽtarienne sans issue, si
poignante, si dŽsespŽrŽe qu'elle justifierait ˆ elle seule la recherche d'un
vŽritŽ de classe. EnumŽrant les vitamines (EP 4, p.
92), elle n'en trouve qu'une, la vitamine D, inexistante dans les vŽgŽtaux,
mais prŽsente dans le lait, les tissus animaux, mme vŽgŽtariens. Si notre
organisme en fabrique: il n'est point besoin de devenir carnivore pour
plŽthoriser par surcharge de vitamine D.
Des recettes pour l'hiver (EP 4, dŽc. 38, p. 118):
chou sous toutes les formes, en salade, gratin, tarte. Elle part en guerre
contre l'alliance des marchands de mort lente et des marchands de mort
subite : engrais, dŽgŽnŽrescence des animaux de
consommation (EP 6, p. 141). Elle donne la parole (EP 7, p. 165) ˆ une fillette
de l'Žcole dont les parents habitent Toul et assurent toute l'annŽe une
nourriture vŽgŽtarienne. Elle tente de dŽfinir les conditions matŽrialistes
de la santŽ (EP 8, p. 188) et se dŽmarque du
"naturiste pur style" car la nature est bonne et mauvaise, la
technique bonne et mauvaise. On a du mal ˆ comprendre son raisonnement quand
elle affirme que tout ce que lgue le capitalisme est suspect: le livre, le
journal, la morale, le pain, la mŽdecine et la pharmaceutique. A un
correspondant qui revendique le besoin de variŽtŽ et de changement, elle
rŽtorque (EP 10, p. 244): N'avez-vous pas compris encore que le bien est
prŽfŽrable au mal et qu'une cellule bien ŽquilibrŽe porte en elle les meilleurs
gages de bonheur?
En plus de recettes avec des pommes, elle fait deux critiques de livres de santŽ (EP 11, p. 269): Le retour ˆ Hippocrate d'Auguste Colin (Fasquelle), livre bourrŽ de citations et d'attestations irrŽcusables et chargŽ de simplicitŽ et de bon sens: un livre pour tous. Celui du Dr Chavanon: On peut tuer ton enfant met violemment en question la vaccination antidiphtŽrique. Le commentaire Žlogieux du livre provoque une rŽaction du Dr Roubakine, liŽ au courant d'Žducation nouvelle, qui rappelle que LŽon Daudet, mŽdecin ratŽ et dirigeant de l'Action Franaise, est ˆ l'origine de certains arguments, notamment les attaques contre Ramon et l'Institut Pasteur qui n'est pas un trust capitaliste. Et l'URRS n'a-t-elle pas rendu obligatoire la vaccination antidiphtŽrique? Mais Elise semble avoir franchi le point de non-retour, elle restera dŽfinitivement et totalement antivaccinaliste. Elle rŽpond (EP 17, p. 396) en citant les Drs Durville et Pierreville (3 docteurs ˆ un, le match est dŽcisif).