Relations
internationales
Le dynamique mouvement belge, animé par Jean et
Lucienne Mawet, avec le soutien de l'inspecteur Fernand Dubois, est
tellement
proche du mouvement français que l'on oublierait presque son
autonomie,
nécessaire du fait des structures différentes de
l'enseignement belge. Freinet
ne tarit pas d'éloge sur le groupe, même si cela l'oblige
ˆ nuancer l'influence
decrolyenne (EP 1, oct. 35, p. 2).
Nous avons vu précédemment l'importance du
groupe
espagnol que le franquisme décimera. La flamme allumée se
maintiendra malgré
tout clandestinement et surtout se propagera plus tard en
Amérique latine, du
fait de l'exil de Redondo et Tapia au Mexique, d'Almendros et Costa-Jou
à Cuba,
etc.
Le congrès de la Ligue International d'Education
Nouvelle à Cheltenham a donné l'occasion d'autres
ouvertures. Freinet est
invité à Oslo en octobre 36 et y reçoit un accueil
si chaleureux que le journal
fasciste Tidens Tegn contre-attaque
en affirmant
que, sous une pédagogie séduisante, il s'agit de faire de
la politique à
l'école pour préparer directement l'ère
révolutionnaire (EP 3, nov. 36, p. 54).
Documentation internationale
De nombreux articles ou critiques de livres informent
les problèmes d'éducation dans d'autres pays. Une
cité des enfants, au milieu
de l'un des Parcs de culture et de repos de Moscou, est décrite
comme un petit
paradis (EP 3, nov. 35, p. 66), tout comme le Parc de Léningrad
(n¡4, p. 90).
Pujol, professeur de lycée, approuve l'empiétement de
l'Etat sur la famille en
URSS et trouve chez les parents qui le refusent "beaucoup
d'égo•sme et beaucoup
de sensiblerie affectée " (EP 6,
p. 138).
Comme on pouvait le prévoir, Wullens ne laisse pas passer
l'occasion
d'interpeller Freinet (EP 12-13, mars 36, p. 244) sur l'uniforme des
écoliers
soviétiques, la discipline, les écoles de correction
(même si on les appelle
autrement). En réaction, Freinet précise dans le
même n¡ qu'avant d'ouvrir son école, il aurait
souhaité faire un voyage d'études en URSS mais que,
malgré la
sollicitation des organismes français et soviétiques, il
n'a rien obtenu: J'ai
ouvert une école qui a pris assez vite, trop vite
peut-être, sa vraie figure
prolétarienne. J'aurais aimé être lié dans
cette initiative à la Classe
ouvrière et à ses organisations syndicales et politiques.
Je n'ai rencontré
partout que le silence décourageant.
"L'Huma" elle-même n'a jamais voulu passer une note pour mon
école.
Et maintenant que me voilà poursuivi (par
l'administration), il faut que ce soient les socialistes, les
ligueurs, les
francs-maçons, les démocrates qui me défendent.
"L'Humanité" elle-même
a refusé de passer les communiqués que les autres
journaux de gauche ont inséré
avec empressement. Je constate, je regrette, je prends acte, et
pourtant me
voilà toujours "stalinien" pour parler comme toi. Freinet tente une fois de plus d'oublier l'injustifiable
dogmatisme
pour ne retenir que l'effort réalisé pour l'enseignement
par les Soviétiques.
Ybanez, instituteur d'Oran, trouve sans doute cette
réaction insuffisante puisqu'il répond au nom des Amis
de l'URSS (EP 15, p. 310) que l'URSS ne
peut tout améliorer en même temps:
l'uniforme des écoliers est une étape face au
dénuement, la discipline est une
auto-discipline, les conseils des ma”tres s'appuient sur les
comités d'élèves,
les écoles spéciales pour indisciplinés ne sont
pas des lieux de répression
mais d'éducation sur mesure, la misère des instituteurs
est très relative.
L'Ïuvre de Freinet est bien connue en URSS et ses méthodes
appliquées. Que
demander de mieux? Un reportage (EP 6, déc. 36, p. 142) sur les
jardins
moscovites réservés aux enfants, encadrés par les
komsomols, et interdits aux
adultes, semble clore la magnifique description de l'éducation
soviétique qui
para”t pourtant très éloignée des idées
diffusées par Freinet.
De retour d'Oslo, Freinet parle de l'école en
Norvège
(EP 3, nov. 36, p. 72). Une série d'articles courts
s'intéresse au continent
américain : les instituteurs américains et mexicains (EP
17 et 19, mai et
juillet 38), le pédagogue brésilien leoni Kassef (EP 2,
oct. 38), une critique
du livre: La fosse aux Indiens de
Jorge Icaza
(ESI) conseille ce "cri d'ardente révolte devant l'exploitation"
des
Indiens de l'Equateur (EP 3, p. 72). G. Gobron parle du dernier ouvrage
du
pédagogue uruguayen Jesualdo (EP 4, nov. 38).
L'Allemagne nazie n'est pas absente du panorama.
Indirectement
par la présentation du livre: Races, Mythe et
vérité de Théodore
Balk (ESI) à cause du facteur racial important du
Nazisme, et directement à propos de La dictature fasciste en
Allemagne de Piatniski (EP 6,
déc. 35, p. 141 et 143). Freinet rend compte (EP
1, oct. 37, p. 23) du livre de Forceville: L'orientation
pédagogique de
l'Allemagne actuelle (Bib. Jean
Macé, Strasbourg).
Tout en condamnant radicalement le racisme et l'embrigadement, il
semble
partager le refus de l'intellectualisme et le souci de relier l'enfant
à la
cha”ne du passé, qui sont pourtant d'une tout autre nature dans
sa pédagogie et
dans l'idéologie nazie. Mais peut-être craint-il de ne pas
avoir été assez
tranchant, car il durcit le propos en rendant compte de La nouvelle
Allemagne
dans son nouveau manuel scolaire (EP 6,
déc. 37, p.
119).
L'Italie aurait manqué au tableau. Le récit, par Bruno Mussolini, fils du Duce, de ses exploits en Abyssinie est qualifié de "Démence" (EP 19, juillet 38). On annonce une série d'articles, dans L'Educatore della Svizzera Italiana, sur Lombardo-Radice, pionnier de l'éducation nouvelle italienne, rejeté par le fascisme et récemment disparu (EP 5, déc. 38, p. 119). Présentation dans le n¡ suivant (p. 144) de Dix ans de fascisme italien, bilan très critique par Silvio Trentin (ESI).