- 24 novembre
- Bonjour monsieur Moullé,
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- Je me permet de vous contacter de la part de Christophe DELOGE
à qui j'ai demandé conseil sur un rituel
d'écriture dans une classe de CE2.
- J'aurai souhaité avoir votre avis.
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- Voici mon problème :
- J'ai une classe de CE2 en 1/4 temps depuis les vacances de la
Toussaint. J'ai lancé un rituel d'écriture le matin
avec pour objectifs principaux : l'entrée en
écriture et le plaisir d'écrire. Je leur donne un
thème : le soleil, la joie... et ils ont 8-10 min pour
écrire ce que cela leur inspire (contrat : au moins une
phrase), sur une feuille A5 blanche (pour plus de liberté).
Les élèves qui le souhaitent viennent ensuite au
tableau lire leur production. Puis la classe vote pour le texte du
jour. Je corrige ce texte qui est ensuite recopié au propre
(voir illustré) par l'auteur du jour sur un cahier : "Le
coin des auteurs".
- Ma question concerne le devenir des écrits des autres
élèves (un seul étant recopié dans le
recueil de la classe). Puis-je ne pas les corriger et les rendre
aux élèves avec leurs erreurs ? Est-ce acceptable
vis-à-vis de l'institution et des parents ?
- J'ai commencé à en corriger en rouge, et je me
suis rendue compte que cela allait à l'opposé de ce
que je cherchais : comment rendre un papier envahi de corrections
rouges à un élève qui a produit avec entrain
un texte de plusieurs lignes et de qualité. De plus, je
n'ai pas le temps de faire corriger ces écrits pas les
élèves en classe (je ne les vois qu'une fois par
semaine). Cela ne m'empêche pas, quand je passe dans les
rangs de signaler les erreurs aux élèves :
majuscule, accords, vocabulaire à rechercher dans le
dictionnaire, s'ils ont fini plus tôt...
- -
- Je pensais pour finir relier les textes, pour chaque
élève et à chaque période. En page de
garde de ce feuillet relié, je pensais écrire un mot
aux parents expliquant mon choix pédagogique de laisser ces
écrits spontanés avec des erreurs, qui (je
l'espère) devraient diminuer au fur et à mesure de
l'année.
- Qu'en pensez-vous ?
- -
- Je vous remercie par avance des conseils que vous pourriez me
donner.
- Sonia SIAUVE.
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- PS : Christophe DELOGE m'a informé de la réunion
du 15 décembre à laquelle je viendrai volontiers si
cela était possible.
-
24 novembre
- Bonjour Sonia,
- Je réponds à ton interpellation sur l'atelier
d'écriture que tu mets en place. Je prends la
liberté de te tutoyer et tu en feras autant.
- Dans ma classe, chaque enfant possède un bloc-note pour
dessiner, écrire, noter des informations etc.
- Régulièrement, nos journées commencent
par l'écoute d'un morceau de musique qui permet un retour
au calme puis nous commençons par ce que nous appelons "la
phrase du matin".
- L'enfant est encore dans ses rêves, dans le
réveil et il écrit ce qui lui passe par la
tête. Une ou plusieurs phrases. Certains viennent ensuite me
faire corriger la production. J'essaie d'en corriger un maximum.
- Le textes sont lus. Nous faisons des commentaires et parfois
j'en choisis un parce que j'y ai vu une notion de français
intéressante à aborder. Quand c'est le cas, je fais
ma prestation et nous en discutons.
- Ensuite les enfants tapent leurs textes à l'ordinateur.
Nous avons sur les bureaux un MacBook pour deux enfants.
La classe est composée de 22 enfants, 12 filles et 10
garçons du CE2 au CM2.
- Chacun vérifie son texte à l'écran, le
corrige, se fait aider des voisins et me l'envoie par mail
à mon ordinateur. Je réceptionne le tout pour
corriger à nouveau et effectuer la mise en page du petit
journal de Bizu que nous envoyons par mail plusieurs fois par
semaine à environ 300 destinataires à travers le
monde dont les parents et les ordinateurs des enfants dans la
classe. Le jour même ou le lendemain, le journal est
imprimé pour être lu, illustré, rangé
dans le classeur. Une copie de son texte est alors
effectuée à la main sur une feuille à
carreaux par l'auteur de chaque texte, illustrée et
rangée dans le classeur.
- Tu trouveras une compilation des 400 journaux produits en 10
ans sur notre site en cliquant sur le bandeau rouge et blanc du
petit journal de Bizu.
- http://www.ecolebizu.org
- http://www.ecolebizu.org/0/02/journal/index.htm
- Nous avons aussi des productions longues, des romans. Nous les
éditons sous forme de livres illustrés après
impression. Je te colle un lien vers un exemple.
- http://www.ecolebizu.org/petitslivres/camille-au-fil-de-la-vie.pdf
- Nous sommes donc un atelier d'écriture et une petite
maison d'éditions.
- Enfin, j'ai réalisé la compilation sur quatre
ans des textes écrits et tapés par Thalie. Seule une
moitié de la production écrite est tapée.
- http://www.ecolebizu.org/thalie/index.htm
- Tu compareras les premiers et les derniers.
- Je pense qu'il est nécessaire que chaque enfant ait une
version corrigée de sa production et aussi qu'il puisse
lire la production des autres d'où la fabrication d'un
journal.
- Pour les plus jeunes et les plus fragiles orthographiquement,
je recopie les phrases sur le bloc. Pour les autres,
j'évite de détruire l'écrit avec des ratures
et des corrections. J'essaie au tant que possible de proposer les
corrections au-dessous.
- Comme tu as la classe 1/4 de temps et si tu ne réussis
pas à effectuer les corrections pendant la classe, tu
pourrais emmener les productions et les ramener corrigées
la fois d'après.
- As-tu accès dans la classe à du matériel
informatique et à internet?
- Tu seras la bienvenue à Beaumont-Pied-de-Boeuf le
mercredi 15 décembre à partir de 9h30 avec ton
pique-nique si tu souhaites rester plus longtemps.
- Si tu le souhaites, je peux t'inscrire à notre liste de
diffusion. Réponds-moi pour que je fasse le
nécessaire.
- Amicalement
- Hervé Moullé
-
24 novembre
- Accepterais-tu que je transmette ton mail et ma réponse
(en enlevant ton nom si tu préfères) au groupe
"coopérative d'entraide"?
- Ça peut rendre service à d'autres.
- Hervé
-
24 novembre
- J'accepte bien évidemment que vous transmettiez nos
échanges, et sans enlever mon nom, comme ça si je
croise, au hasard des affectations et autres animations,quelqu'un
qui reconnaît mon nom, cela facilitera les échanges.
- Sonia
-
24 novembre
- Bonsoir,
- Je tiens tout d'abord à te remercier pour ta
réponse rapide et éclairée.
- Je te remercie également pour les liens que tu m'as
envoyé car ils m'ont éclairé sur le
fonctionnement de la phrase du matin.
- -
- Je n'ai pas d'ordinateur dans la classe (même pas pour
moi) : il y en avait un qui a été volé cet
été et qui devrait être remplacé
prochainement...
- -
- Donc d'après toi, il est préférable que
les élèves aient une version corrigée de leur
texte. Ce que je peux comprendre et j'y ai d'ailleurs
déjà réfléchi. La question que je me
pose, c'est qui corrige ? Car je n'aurai pas le temps de tout
corriger dans la journée. Et si tu me suggères de
les corriger d'une semaine sur l'autre, c'est que c'est à
moi de faire toutes les corrections. Or, je pensais qu'il
était préférable de mettre en place un code
de correction (O: ortho, C : conjugaison .....) pour guider les
élèves dans leur auto-correction, mais cela me
semblait s'éloigner de mon objectif premier. De plus, je ne
voulais pas que cet exercice ritualisé ("rapide") devienne
une séance à part entière et que certains
élèves soient découragés
d'écrire plus d'une phrase sachant qu'ils seraient juste
après confrontés au nombre (parfois impressionnant)
de leurs erreurs.
- Et si c'est moi qui réécris leurs textes
corrigés, je pense que cela impose que je prenne le temps
de leur faire recopier sur une nouvelle feuille pour qu'ils se
réapproprient leurs textes, en tant qu'auteurs ?
- -
- Je me permet d'autres questions :
- * j'avais pensé demander aux élèves de
corriger eux-mêmes leurs erreurs en fonction d'un code de
correction que j'aurai annoté sur leur premier jet, d'une
semaine sur l'autre, mais comme ce n'est pas moi qui suis en
charge des leçons d'orthographe et de conjugaison, j'ai
pensé que ce serait difficile d'établir un code de
correction, mais après tout, penses-tu que cela pourrait
être une solution?
- * je pensais faire un classeur relié pour chaque
élève, mais à la lecture de ta façon
de procéder, je me demande s'il ne serait pas plus
judicieux de faire un classeur en fond de classe pour que les
élèves de la classe puissent lire les productions de
leurs camarades ... ce qui ne serait pas possible si je fais les
livrets individuels.
- -
- Sinon, j'aimerais bien être inscrite sur votre liste de
diffusion.
- Et je viendrai le 15 décembre, mais je ne suis pas
sûre de rester pour le pique-nique (problème de garde
d'enfants...).
- -
- Cordialement,
- Sonia.
-
13 décembre
- la production d'écrit, sa correction, sa diffusion
- La production d'écrits doit être grande, continue
et variée. Un bloc note posé sur la table fera
l'affaire. Toujours prêt à être ouvert en cas
de besoin impérieux d'y inscrire quelques mots à
tout moment de la journée. Prêt pour une simple
phrase du matin, un poème, un sketch ou un compte rendu. Un
simple bloc sans ligne. Un bloc dont on ne déchire pas les
feuilles car avec le temps, il constituera un livre de vie. Le
plus souvent et avec un peu d'attention, l'enfant pourrait
écrire avec moins d'erreurs mais cela ne le
préoccupe pas car seul compte le sujet dont il parle,
l'histoire qu'il raconte. Il ne voit pas les erreurs. Son
imagination le mène. Quand il a terminé
d'écrire, il est heureux comme tout créateur. Il a
donné vie à quelque chose. Il considère le
plus souvent avec ennui la phase de mise au point selon les normes
de l'adulte et de l'école. Il s'y soumet mais cela pourrait
le bloquer et l'empêcher d'entrer dans une nouvelle
production si l'on était trop insistant. Alors il faut user
de stratagèmes pour que ce moment de mise au point devienne
une nécessité pour l'enfant. La
réécriture lente et soignée sur une feuille
à ligne permet de lire son texte, de le voir; ce que le
premier jet ne permet pas par son écriture rapide et non
soignée, les ratures, les ondulations de la ligne etc.
Ensuite l'ordinateur à toute sa place car le texte
tapé dans un traitement de texte change de forme, d'aspect.
L'écriture passe de la forme attachée à
l'aspect de l'imprimé. Le texte de l'enfant se met à
ressembler à ce qu'il voit dans les livres et son texte
devient tout autre. L'enfant entre dans une autre dimension, celle
de la reconnaissance par ses pairs proches ou lointains.
L'imprimerie de Freinet permettait d'aller encore plus loin car on
manipulait les caractères en plomb un par un, on formait
les mots physiquement, puis les phrases. On les recouvrait d'encre
qui salissait les doigts, on posait la feuille et on pressait le
tout. Cet aspect a disparu avec l'ordinateur. Mais nous avons
d'autres choses à notre disposition: l'envoi par mail, le
dépôt sur un blog, l'impression sur papier, la
reconnaissance vocale...
- La correction peut être l'occasion d'une appropriation
du texte par un groupe. Je suis toujours submergé et le
temps manque. Alors je propose aux enfants l'entraide, le tutorat.
Un petit groupe peut se saisir de plusieurs écrits et
prendre en charge correction et amélioration. Les enfants
discutent entre eux; quelqu'un va trouver ce que le voisin n'avait
pas vu, un autre proposera une solution que le premier ne
connaissait pas. Ainsi se construit le collectif d'entraide. Les
autres ne sont pas des concurrents mais des partenaires, des
associés. La classe devient une fourmilière. La
coopération en est le moteur.
- Alors la diffusion est primordiale. Le texte va devenir utile
à la classe. Il sera lu. L'enfant devient alors un
producteur et un créateur dans la classe atelier. Il est
utile au groupe, il est reconnu puisque lu. Il aura ainsi envie de
continuer, de s'améliorer, de progresser,
c'est-à-dire de grandir. Alors il faut multiplier les
nécessités de corriger son texte.
- Ja n'ai jamais mis en place de code. Je marque seulement d'une
croix l'endroit d'une erreur. Souvent, je réécris et
je corrige moi-même, surtout pour le plus jeunes ou les plus
faibles afin que l'activité ne dure pas trop longtemps. Ce
n'est pas en ayant l'obligation de réfléchir
à vingt-cinq petites croix que l'enfant fera progresser sa
maîtrise de la langue mais plutôt en ayant
maîtrisé cette fois-là trois ou quatre
corrections. Et si l'atelier de production d'écrits est
quotidien et continu, en une semaine, en un mois, en une
année, ça en fait des corrections bien
effectuées.
- Régulièrement, nous choisissons un texte et nous
l'analysons collectivement: le nombre de phrases, la ponctuation,
les majuscules, les verbes avec leur temps et conjugaison, les
accords, les compléments circonstanciels, etc. On discute,
les idées fusent, on améliore.
- Nous privilégions aussi l'écriture de textes
collectifs, le plus souvent pour un compte rendu
d'activité. Cette production donne lieu alors à un
travail de texte reconstitué voire de dictée. Et
chez nous, la dictée de mots, de phrases ou de textes est
un plaisir qui se consomme sur une feuille spécialement
présentée; c'est une institution dans la semaine
à côté de la phrase du matin, de la chasse aux
mots...
- Plus besoin de fastidieuses leçons de grammaire.
L'exercice répétitif peut trouver sa place, mais
à petite dose. La production, la réécriture,
la fabrication du journal, l'envoi des mails, l'analyse collective
des écrits, la reconstitution forment la plus grande part
de notre travail dans le domaine de la langue écrite.
- Amicalement
- Hervé Moullé