- Des textes dans L'École
Émancipée
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
-
- Rien dans NPP n'est signalé d'une douzaine
d'interventions écrites de Freinet dans la revue L'Ecole
Emancipée, entre mai 1920 et juin 21. Ces textes
révèlent un militant combattif qui est loin
d'aborder naïvement les nouveaux problèmes qui se
posent à lui. L'Ecole Emancipée, créée
en 1910, est alors la revue de la Fédération de
l'Enseignement, la branche la plus à gauche du syndicalisme
enseignant de l'époque. Elle compte 4000 membres (3% des
instituteurs), anarcho-syndicalistes pour la plupart, avec une
forte minorité d'admirateurs de la Révolution
d'octobre.
- * Dans un mémoire de DEA en Sciences de l'Education,
à l'université de Rouen, Denis Roycourt a
étudié en détail ces textes (lire sa
participation au colloque Actualité de la pédagogie
Freinet, dont les actes ont été publiés en
1989 par les Presses Universitaires de Bordeaux, pp. 41 à
52).
- Que ressort-il de la lecture de ces textes? Tout d'abord, le
tempérament de leader que révèle
d'emblée Freinet (n'oublions pas qu'il n'a que 23 ans;
cette précocité explique peut-être l'attention
particulière qu'il portera plus tard aux jeunes militants
de son mouvement). Même quand il suscite des contradictions,
il se trouve pratiquement toujours au centre des débats
autour du thème : la révolution à
l'école .
- Critiquant l'école capitaliste et son conditionnement
autoritaire, il affirme : Sans la révolution à
l'école, la révolution politique et
économique ne sera qu'éphémère . Dans
un article suivant : Si nous ne trouvons pas de réponses
adéquates à toutes les questions d'éducation,
nous continuerons de forger "des âmes d'esclaves" à
nos enfants . Dans un autre, il ajoute : Il faut donner la vie
à nos enfants. Pour cela, il n'y a qu'un moyen : les faire
vivre, non de la vie factice et réglée
d'aujourd'hui, mais de leur vie à eux. Il faut les faire
vivre en République dès l'école.
- En revanche, il refuse de s'enfermer dans le verbalisme
révolutionnaire ou dans un activisme hasardeux. Devant un
projet de grève voué à l'échec
certain, il n'hésite pas à écrire : Nous ne
sommes pas prêts. Au lieu d'essayer de couvrir notre
impuissance par de la phraséologie révolutionnaire,
voyons enfin notre situation et, au travail. Dans un autre article
: Le mode d'enseignement, le système d'éducation,
nous serons obligés de l'adapter aux écoles et aux
maîtres existant actuellement. Mais les principes à
la base de cette éducation, il faut qu'ils rompent avec le
mensonge et le monstrueux égarement qui nous entourent.
- On reconnaît déjà la démarche
réaliste de Freinet : définir clairement son cap et
avancer avec patience et détermination. Son choix
idéologique est déjà affirmé : la
nécessité d'une révolution au sein de
l'éducation mais en refusant tout endoctrinement.
Avons-nous le droit d'imposer aux enfants un dogme capitaliste ou
communiste, en leur donnant une tournure d'esprit qui les
empêchera de chercher la vraie loi de la
société?
- Ce qui frappe aussi dans ces divers articles, c'est sa
connaissance de ce qui se passe à l'étranger,
notamment en Allemagne (à 18 mois de l'armistice, est-ce si
évident pour un mutilé de guerre?). Il cite à
plusieurs reprises l'expérience de l'école nouvelle
de Hambourg qu'il n'a pas encore visitée. Il affirme
nettement que l'éducation nouvelle sera internationale et
préconise les échanges entre instituteurs
grâce à l'espéranto.
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