- Une imprimerie utilisable par de jeunes
enfants
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
-
- Jusque là, les rares établissements
d'éducation possédant une imprimerie utilisaient un
matériel professionnel d'artisan imprimeur, manié
par les plus grands. Le jeune âge des élèves
de Freinet (CP-CE) et ses faibles moyens financiers excluent une
solution de ce type, tout comme le manque d'espace dans sa classe.
Dans son livre L'Imprimerie à l'Ecole, publié en
1927 chez Ferrary à Boulogne-sur-Seine (à ne pas
confondre avec la seconde édition, publiée en 1935
à Vence et profondément remaniée), Freinet
écrit : Après mûre réflexion,
après des hésitations et de nombreuses recherches
pour découvrir, dans le commerce, une presse à main
d'un prix abordable, d'une simplicité de manoeuvre et d'un
rendement typographique suffisants pour l'usage que je m'en
proposais, je commandai la presse à main "La Lino", qui
m'apparut comme remplissant le plus de conditions
désirables. En octobre 1924, j'installai la presse à
l'école et nous commençâmes le travail .
- Comme il est seul à démarrer cette
expérience, on voit mal comment pourrait naître
immédiatement un échange. Si Freinet écrit le
28 octobre 24 : Nous ne sommes plus seuls, il ne peut s'agir que
d'encouragements reçus de personnes auxquelles il aurait
envoyé ses premiers essais. Trois noms connus se
présentent aussitôt à l'esprit :
Ferrière, Barbusse, Romain Rolland dont nous savons qu'ils
ont très tôt soutenu chaleureusement ses
expériences.
- L'imprimerie choisie n'avait pas été
conçue à des fins pédagogiques, mais pour
permettre à des commerçants d'éditer
eux-mêmes les étiquettes et papillons publicitaires
dont ils pouvaient avoir besoin. Les caractères de plomb
étaient de type professionnel. Par contre, les composteurs
d'une seule ligne, en cuivre, avec vis de serrage, permettaient
une manipulation simple pour de non-professionnels. Quant à
la presse de bois, elle présentait une
caractéristique singulière la différenciant
de toutes les autres. Sans doute par analogie avec les cachets de
caoutchouc ou de métal, couramment employés dans les
commerces et les bureaux, le bloc de caractères
n'était pas fixé sur le socle, comme sur toutes les
presses d'imprimerie, mais sur le volet abattant. Ce qui exigeait
un serrage vigoureux des composteurs, nécessitant une
poigne forte, et occasionnait une fatigue supplémentaire
des enfants pour rabattre totalement le volet afin de
procéder à chaque encrage. A l'expérience,
cette anomalie technique motiva la première modification
apportée par Freinet et les caractères de plomb
furent définitivement posés sur le socle fixe de la
presse.
- Freinet précise : Nous avons ainsi, durant
l'année scolaire 1924-25, imprimé environ 2000
lignes qui correspondent à un livre de lecture ordinaire de
100 pages. Nous avons donc là notre livre, non seulement
copieux, mais vécu, travaillé, scruté ligne
à ligne, et dont l'intérêt pour les
élèves est tout simplement une
révélation.
- Il ne passe sous silence ses prédécesseurs dans
l'utilisation de l'imprimerie avec des jeunes. Dans son livre, il
cite (p. 7) les exemples qu'il connaît : bon nombre
d'écoles nouvelles allemandes, quelques écoles
russes. En Belgique, l'école Decroly publie chaque mois Le
Courrier de l'Ecole. En France, l'inspecteur Cousinet fait
imprimer par un professionnel L'Oiseau bleu, revue de textes
d'enfants écrits pour des enfants. Mais nous allons voir
que Freinet attend bien davantage de l'imprimerie.
- * Il semble ignorer à cette époque l'action de
Paul Robin à l'orphelinat de Cempuis et celle de
Sébastien Faure à La Ruche.
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