- Première diffusion de
l'expérience
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
-
- A la suite de ses premiers essais, Freinet écrit deux
articles pour Clarté, toujours sous le titre
général Vers l'école du prolétariat. .
Dans le n° 73 (avril 25), avec le sous-titre Les manuels
scolaires, il se livre d'abord à une critique : le manuel
fatigue nécessairement par sa monotonie; il est fait pour
les enfants par des adultes; il est un moyen d'abrutissement; il
continue à inculquer l'idolâtrie de l'écriture
imprimée; il asservit aussi les maîtres en les
habituant à distribuer uniformément la
matière incluse à tous les enfants; on moule
déjà l'enfant à la pensée des autres
et on tue lentement sa propre pensée; il faut donc
détrôner le manuel scolaire. Je me contente de citer
les têtes de paragraphes dont le développement n'a
pas toujours la force convaincante qu'il acquerra par la suite.
Mais on voit bien la continuité de la pensée de
Freinet depuis 1920 : l'école capitaliste est une
entreprise de conditionnement des enfants; les manuels sont le
principal moyen d'asservissement des élèves comme
des maîtres; il faut donc les remplacer par un autre moyen
d'éducation.
- Dans la partie positive de l'article, il montre comment il a
fait évoluer le cahier de vie conseillé par
Ferrière pour y réunir les textes personnels des
enfants. Avec l'imprimerie, il en fait un livre de vie dans lequel
l'enfant apprendra à lire puis désirera lire
d'autres livres. Il évoque le travail de
bibliothèque (on dirait maintenant recherche documentaire)
et le Dalton Plan.
- Le second article (n° 75, juin 25) porte en sous-titre
Contre un enseignement livresque, l'imprimerie à
l'école. Un chapeau précise que pour répondre
aux questions de plusieurs lecteurs, on a demandé à
"notre camarade Freinet" de raconter l'application de sa
méthode. Il décrit donc comment les enfants
apportent des sujets de textes qui sont imprimés. Ce qui
surprend, c'est son anticipation sur une phase suivante, car
jusqu'à présent il est seul à imprimer dans
une classe. La composition terminée, on imprime. Avec une
presse à main pourtant rudimentaire, 100 imprimés
sortent en cinq ou dix minutes (évaluation très
optimiste avec ce matériel!) : un exemplaire que chacun
collera à son livre de vie; quelques exemplaires
supplémentaires pour les absents. Et parfois, le soir, un
petit dévoué porte les leçons du jour
à son camarade malade qui se tient ainsi au courant de la
vie de sa classe. Trente-cinq imprimés sont destinés
à nos camarades de l'école de J..., quarante
à ceux de l'école de F... Et tantôt un grand
expédiera à leurs adresses ces fragments de vie. Il
est vrai qu'à dix heures aussi, le facteur
apparaîtra, apportant deux envois des écoles de J...
et de F... Et vous pouvez juger de l'entrain avec lequel nos
élèves vont dévorer ces autres fragments de
camarades qui habitent bien loin, dans des régions dont ils
ne peuvent pas encore se figurer la place, mais dont ils
apprennent ainsi la principale vie qui les intéresse :
celle des autres enfants. L'anticipation est tellement saisissante
que certains ont voulu deviner quels noms se cachaient sous les
initiales de J. et de F. Aucun encore, et si Freinet les
connaissait, il serait trop heureux de les citer clairement comme
il fera toujours.
- On peut penser que c'est en réaction à ces
articles, peut-être déjà au premier, que
Durand, instituteur à Villeurbanne, demande comment se
procurer une imprimerie et que Freinet lui propose
l'échange quotidien d'imprimés.
- Nous savons aussi qu'au congrès syndical de la
Fédération de l'Enseignement, en juillet 1925, juste
avant le voyage en URSS, Freinet a rencontré Daniel et
Wullens. Il est probable qu'il montre alors ses premiers
imprimés à tous les collègues avec lesquels
il discute. Cela ne suscite aucune décision
immédiate mais produira ultérieurement des
prolongements.
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