- Entre Saint-Paul et Vence
(1933-1935)
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
-
- La vie du mouvement continue. Certes, elle ne
s'était jamais interrompue mais, pendant un an, l'effort
essentiel visait à la survie. En octobre 33, Freinet, avec
le réalisme qui le caractérise, ne s'enferme pas
dans les rancÏurs et pense déjà à
l'avenir immédiat. Son premier éditorial est
intitulé : Après l'orage, à pied d'oeuvre
encore! (EP 1, p.1). Non seulement
il n'a rien perdu de son courage, mais le fait de disposer de
temps, du fait de sa mise en congé, lui permet de se
consacrer totalement à son mouvement. On ne tarde pas
à en voir les effets. Combattre sur le terrain
social
-
- Face à un climat
fascisant
- En juin 33, le journal
réactionnaire L'Ami du Peuple
incite
à la création d'une Ligue de défense des
pères de famille,
afin de
faire reculer la horde des instituteurs insolents,
avec le
mot d'ordre d'attendre à la sortie tout instituteur qui
aura tenté d'empoisonner l'esprit de nos enfants
(...) Saint-Paul-de-Vence a
donné l'exemple. Il est d'intérêt public que
cet exemple soit suivi. D'autres
militants subissent des attaques rappelant, avec toutefois moins
de violence, l'affaire de Saint-Paul : Boyau (Gironde),
Bourguignon (Var), Roger (Nord) se trouvent successivement
confrontés à des cabales. Bourguignon s'interroge
alors sur la nécessité de procéder prudemment
par étapes dans la modification des techniques, Freinet lui
répond que les griefs pédagogiques ne sont que des
prétextes (EP 5, déc.34, p.102). Cela semble
évident lors du congrès espérantiste de
Lesconil pendant l'été 34. La presse
réactionnaire attaque les participants (80 enseignants
venus de 31 départements) comme un ramassis de communistes.
Sous les pressions, le préfet du Finistère a
refusé l'utilisation des locaux scolaires proposés
par le maire pour la fête publique de fin de congrès.
Mais le propriétaire d'un hôtel a prêté
son vaste établissement pour accueillir les 2000 visiteurs
venus de tous les environs (EP 3, nov.34, p.61). De tels incidents
rappellent que l'affaire de Saint-Paul n'était pas un
phénomène isolé.
- Après les émeutes du 6
février, Freinet publie le manifeste lancé par Paul
Rivet, pour un comité de vigilance antifasciste (EP 7,
avr.34, p.360). Son éditorial suivant affirme
clairement : Les éducateurs prolétariens
sont antifascistes. Il
dénonce l'action rétrograde des gouvernements
fascistes sur l'école et rappelle que les enseignants ne
peuvent rester neutres et indifférents aux effets de la
crise sur les écoliers de milieu populaire. Il lance une
enquête "socio-pédagogique" sur les conditions de vie
des enfants dans leur famille et à l'école (EP 8,
mai 34, p.411). Dans le même état d'esprit, il publie
les résultats d'une enquête syndicale du Nord sur les
classes surchargées, avec 747 classes de plus de 50
élèves, dont 7 en comptent plus de 90 (EP 5,
déc.34, p.101). Il reproduit plus tard des enquêtes
sur les enfants sous-alimentés de Paris, avec 30 à
60% dans certains quartiers (EP 3, nov.34) et évoque les
études sur la détérioration de la nutrition
des enfants depuis 1931 à New-York, en Allemagne et en
Pologne (EP 8, janv.35)
- Le congrès de Montpellier, en
aoét 34, appuie dans le sens de la mobilisation
antifasciste. Il nous a donné mandat : - De donner notre
adhésion morale aux
divers* mouvements antifascistes,
- De dénoncer les formes du fascisme et de l'accentuation
de l'exploitation capitaliste, - D'inviter les animateurs des
divers mouvements antifascistes à accorder à ces
formes du fascisme scolaire une attention toute
particulière, - De demander tout spécialement
à tous les instituteurs, à tous les
éducateurs qui prennent la parole dans une assemblée
antifasciste, de ne point rester sur le terrain vague des
généralités, mais de s'occuper tout
spécialement du fascisme à l'école, en en
dénonçant les hypocrites et dangereuses
manifestations, - D'engager les parents ouvriers et paysans
à constituer dès maintenant des associations de
parents prolétariens, avec des buts élargis dans le
sens que nous venons d'indiquer, de façon à lutter
sur un terrain nouveau, pour la sauvegarde idéologique de
la jeunesse, espoir et avenir de la victoire du
prolétariat. (EP 2, oct.34,
p.27)
- * C'est Wullens qui a demandé et
obtenu cette extension pour éviter de lier la CEL
uniquement aux organismes proches du P.C.
- On retrouve là les deux facettes
indissociables de l'engagement de Freinet : le changement
d'éducation serait un leurre s'il ne s'insérait pas
dans une lutte sociale plus globale mais, inversement, il n'est
pas de combat social cohérent s'il ne s'accompagne de la
remise en cause de toutes les formes autoritaires
d'éducation.
-
- A la recherche de partenaires de
combat
- Malgré une présence
affirmée de militants du mouvement dans toutes les
manifestations pédagogiques ou syndicales (par exemple,
pour le seul mois d'aoét 33 : congrès des
Maternelles à Bordeaux, congrès international contre
le fascisme à la Mutualité à Paris,
congrès des groupes de Jeunes de l'enseignement, celui du
Syndicat National des Instituteurs comme celui de la
Fédération unitaire de l'Enseignement (après
l'A.G. de la CEL), les relations sont loin d'être
chaleureuses avec les autres groupes
enseignants.
- La Nouvelle Education
, fondée par Cousinet et
plutôt bien-pensante, s'est abstenue de réagir
pendant l'affaire de Saint-Paul à cause de la liaison
établie par M. Freinet entre son action politique, liaison
qui, non seulement a compromis son travail personnel, mais
risquait de compromettre tout le mouvement de l'éducation
nouvelle (EP 3, déc.33,
p.123). Cela ne surprend pas et n'empêche pas deux
militants, Jeanne Lagier-Bruno et Marcel Rossat-Mignot, de
participer au congrès de ce mouvement en mars 34 à
Chambéry, quittes à faire un compte rendu
légèrement critique. De même, Freinet annonce
loyalement le cours international de pédagogie Montessori
qui aura lieu à Nice, mais ne peut que critiquer ensuite la
publication par Mme Montessori de deux livres religieux pour
enfants.
- Freinet a adressé une communcation
écrite au congrès de la Ligue Internationale
d'Education morale qui se tient
à Varsovie. Non seulement son texte n'est ni lu, ni
distribué, ni discuté mais la
vice-présidente, Mme Latzarus, tranche nettement le
problème de l'expression enfantine : Les enfants n'ayant
pas d'idées sont réduits à l'invention,
toujours pauvre et souvent burlesque. De plus, ils ne savent pas
être sincères et le voudraient-ils qu'ils
manqueraient de termes pour s'exprimer.
Affaire classée (EP 2,
oct.34, p.45). Du côté de la Ligue internationale
pour l'Education Nouvelle, et sa
revue Pour l'Ere Nouvelle, c'est
tout de même moins décevant. Pourtant, Freinet
à propos d'un article de Ferrière sur
l'éducation, facteur de transformation sociale
écrit : Notre rôle
est de tirer sans cesse Ferrière hors de sa tour d'ivoire,
de lui montrer la vie telle qu'elle est, les problèmes tels
qu'ils se posent réellement, afin qu'il nous aide à
oeuvrer, à même la vie, pour la déroute des
exploiteurs d'idéal et pour l'avènement d'une
société matérialiste qui exaltera un jour ce
progrès et cet idéal.
(EP 11, mars 35,
p.262)
- Mais tous ces gens sont seulement des
bourgeois novateurs. La compréhension ne pourrait venir que
des enseignants syndicalistes. Hélas! le Syndicat National
refuse d'abonner Freinet à sa revue L'Ecole
Libératrice
tout comme l'échange
avec L'Educateur Prolétarien.
On lui
refuse également le service de presse des ouvrages de SUDEL
pour critique dans le bulletin. Freinet a beau montrer que la CEL
ne se pose pas en concurrent, toute offre de collaboration est
sans cesse ajournée.
- Pour ce qui est de L'Ecole
Emancipée,
c'est
pire que de la non-communication. On dénigre la
discothèque CEL tenue par Pagès. En octobre 34,
controverse sur la rédaction libre, coupée de la
correspondance et du journal, et l'on conclut (cité dans EP
3, nov.34, p.70) : Les enfants ont moins d'idées
personnelles encore que nous.
Ce qui
n'est pas peu dire. En mars suivant, c'est G. Bou‘t
lui-même qui écrit : N'en déplaise à
certains maîtres qui, d'ailleurs, affectent un
libéralisme outrancier, les enfants ont besoin d'être
soumis à une certaine contrainte, d'observer une certaine
discipline : c'est la condition même du progrès
(EP 12, avr.35, p.286). Certains
militants finissent par être excédés de ces
escarmouches continuelles. Déjà, on avait
supprimé l'obligation d'appartenance syndicale
précise, contenue à l'origine dans les statuts, afin
de tenir compte du pluralisme des adhérents. Ces derniers
remettent maintenant en cause le couplage statutaire de l'AG de la
CEL avec le congrès de la Fédération Unitaire
et proposent qu'à Angers, en aoét 35, on
décide de tenir désormais les congrès de la
CEL pendant les vacances de Pâques. Ce qui deviendra la
règle de 1936 à 1978.
-
- Regrouper les parents
prolétariens
- Puisque les enseignants, même de
gauche, sont loin d'être convaincus de la
nécessité d'une remise en cause politique de
l'école, Freinet espère trouver appui chez les
parents. En décembre 34, il publie un appel Pour une
puissance organisation unique de Parents Prolétariens.
Il prend le contre-pied des
incitations réactionnaires en préconisant la
création de Ligues de Parents
Prolétariens, unis par des
revendications sur les conditions de vie des enfants à
l'école et autour de l'école. En voici le
résumé : espaces de jeux, hiver comme
été, lieux de réunion et
bibliothèques, cantines gratuites, locaux scolaires
spacieux, aérés et ensoleillés, classes non
surchargées (mais aucun effectif n'est
précisé), climat de calme au sein de l'école,
discipline coopérative et refus des punitions, des
châtiments corporels, de l'attitude despotique du
maître, fin des devoirs à la maison, du gavage par
coeur, éducation dans la vie et par la vie, contre le
dogmatisme et le bourrage de crâne, éducation des
enfants hors de l'école : recommandation des revues et
journaux répondant aux buts éducatifs,
théâtre et cinéma pour enfants, organisation
de jeunes (EP 6, déc.34, p.121). L'appel est reproduit dans
Le Populaire
du 10
janvier 35 et L'Humanité
du
18.
- Freinet poursuit par un article : Pour
intéresser les parents à nos
techniques
(EP 7, janv.35, p.151), il
signale l'accueil chaleureux que font à cette initiative
d'associer les parents, Henri Barbusse et Mlle Flayol,
secrétaire du Groupe Français d'Education
Nouvelle
(EP 8, p.172). Il
précise qu'il ne s'agit pas de concurrencer les patronages
laïques ni les associations gravitant déjà
autour de l'école ou plus largement de l'enfance populaire,
tous ces efforts peuvent se fédérer. Mais ce serait
à son avis une erreur que de s'en tenir aux seules
revendications matérielles, il faut faire comprendre aux
parents la portée libératrice de notre
éducation nouvelle prolétarienne
(EP 9, p.196).
- Freinet décide d'adresser trois
Discours à des parents sur la pédagogie nouvelle
prolétarienne. Dans le
premier, il se livre à la critique de l'enseignement
"scolastique" et, au vu des récents examens de conscrits,
dénonce la faillite de la soi-disant mission instructive
de l'école (...) Que
reste-t-il de tout l'effort scolaire pour l'immense masse des
enfants ? à peu près rien si ce n'est une technique
rudimentaire de la lecture, de l'écriture et du calcul.
Il
insiste ensuite sur l'isolement anormal de l'école.
L'école n'est qu'un accident dans la vie de l'homme.
L'enfant va à l'église jusqu'à la
première communion, à l'école jusqu'à
son certificat d'études, puis la vie commence. Peut-on
appeler cela de l'éducation ? L'école ainsi comprise
peut-elle avoir sur la destinée de l'homme une influence
décisive ? Ne devrait-elle pas être un rouage
spécial de la vie, participer à cette vie, s'y
mêler intimement, apporter ses leçons et ses
enseignements dans le milieu naturel ?
(...) C'est parce qu'on ne veut
pas vous libérer, qu'on veut au contraire vous asservir
chaque jour davantage, qu'on endoctrine vos enfants au lieu de les
préparer à la vie ; qu'on les parque entre quatre
murs, loin des bruits de la rue, loin des spectacles
édifiants du travail, de l'effort et de la lutte qui
pourraient dangereusement leur ouvrir les yeux.
(...) Vos enfants aujourd'hui
sont déformés, dégoétés de la
vie et de l'effort, sans enthousiasme et sans élan.
(...) Nous allons plus loin
encore. Nous disons que c'est surtout au cours de l'adolescence et
dans l'âge mér que l'individu s'instruit, se forme,
se développe. Il suffit de lui en donner la
possibilité. (...) Notre
rôle, notre but, éducateurs d'avant-garde, c'est de
réduire au minimum, à l'école, la malfaisance
capitaliste, de ménager en l'enfant ouvrier et paysan cet
élan vital sur lequel nous fondons tous nos espoirs.
(EP 10, fév.35,
p.217)
- Le second discours développe les
conditions de vie des enfants et refuse de dissocier les
revendications scolaires et sociales : Chacune de vos victoires
sociales, syndicales ou politiques est une victoire pour
l'école ; chacune de vos défaites est une
accentuation des difficultés de libération scolaire.
Il
montre ensuite la nécessité de remplacer la
pédagogie autoritaire, ses devoirs du soir, ses punitions,
par l'expression libre qui renforce la pensée de l'enfant :
Nos enfants suivent hardiment la ligne de leurs
intérêts dominants, leur ligne de vie. Or, la vie est
conquête et ascension, enrichissement et harmonie.
(EP 11, mars 35,
p.241)
- Dans le dernier discours, tout en faisant
allusion à un certain collectivisme du matériel
nouveau utilisé par les enfants, ce qui n'est pas innocent,
il insiste sur l'esprit coopératif qui doit régner
dans l'école : Ce n'est plus l'instituteur qui
règle la vie et le travail ; ce sont les enfants
eux-mêmes. Ils se constituent en coopérative dont ils
assurent tous les services et qui régissent effectivement
toute la vie de l'école.
Freinet termine en rassurant sur les
résultats obtenus aux examens dans les classes
renouvelées, malgré l'absence de bourrage. (EP 12,
avr.35, p.265)
-
- Le Front de
l'Enfance
- En novembre 35 (EP 4, p.73), sous le titre
Charte constitutive du Front Populaire de
l'Enfance, Freinet pose à
nouveau, sous un autre angle, ce problème du rassemblement
autour de l'éducation : Le Front Populaire a,
depuis quelques mois,
heureusement réagi contre les prétentions du
fascisme naissant. Dans toutes ses revendications cependant,
l'Enfance et la Jeunesse n'occupent point la place de premier plan
qui devrait leur être réservée.
Dénonçant l'oeuvre
d'asservissement et d'obscurantisme d'un certain type
d'éducation, des organisations bourgeoises d'encadrement
(patronages et boys-scouts), de la presse commerciale pour
enfants, il rappelle que l'école laïque
française est un premier pas, et important dans le sens de
la libération. (...)Mais
ces conquêtes doivent être développées,
à la lumière surtout des récentes
découvertes psychologiques et pédagogiques. Il faut
que l'école libère l'enfant, non pas en paroles,
mais dans la réalité de la vie, pratiquement,
effectivement :
- en lui apprenant à
travailler avec joie et à exercer sans cesse ses immenses
capacités créatrices; - en lui enseignant à
oeuvrer au sein d'une communauté pour le plus grand bien de
cette communauté; - en substituant à
la discipline passive et autoritaire
une auto-discipline basée sur les nécessités
du travail coopératif et sur les besoins de
libération des individus; - en liant davantage les
destinées de l'école populaire aux destinées
de la grande masse du peuple, en plaçant toujours davantage
l'école dans la vie, en relations directes avec le travail,
les souffrances, les espoirs et les rêves des travailleurs;
- en faisant connaître parmi les parents et le personnel
enseignants les techniques éprouvées qui permettent
pratiquement la marche vers la libération de l'enfant par
l'influence de l'école. Cette défense sur le terrain
d'une large conception nouvelle de la pédagogie et de la
vie de l'enfant doit être la deuxième des
tâches essentielles du Front Populaire de
l'Enfance.
(...) Nous plaçons
la lutte revendicative des parents pour l'amélioration dans
tous les domaines de leur standart de vie comme une des conditions
de l'amélioration foncière de l'école.
- Le texte dénonce ensuite les
écoles taudis, les effectifs scandaleux qui font de
l'instituteur un garde-chiourme. La lutte pour les
réouvertures de classes, pour la nomination d'instituteurs,
pour leurs conditions de vie est une autre tâche du Front
Populaire de l'Enfance, tout comme la défense de l'action
des enseignants toutes les fois que, ouvertement ou non, le
fascisme et le cléricalisme la
menacent.
Le souvenir de St-Paul reste
présent.
- Le Front préconisera enfin le
regroupement de toutes les organisations post-scolaires
progressistes et la multiplication de patronages, salles de
réunion, fêtes, séances de cinéma et
appuiera ensuite de toute son autorité l'organisation
des enfants dans des groupes de pionniers qui, selon des
techniques mieux adaptées aux besoins actuels, seront la
meilleure des préparations aux luttes dont la
société nouvelle sera l'aboutissement.
Condamnant
les journaux cléricaux ou commerciaux pour enfants, il
recommandera les quelques journaux d'enfants qui, hors de toute
considération commerciale, visent à
l'éducation véritable et à la formation des
enfants. Il soutiendra tout spécialement les journaux qui
répondent le mieux à ces buts, en attendant de
créer, ou du moins de patronner, un véritable
journal populaire pour enfants.
- Freinet lance un grand appel aux militants
de son mouvement pour qu'ils diffusent ce texte aux parents, aux
militants de municipalités prolétariennes, dans les
bulletins syndicaux locaux.
- Quelques mois plus tard (EP 10,
fév.36, p.197), il se montre déçu. Seul parmi
les personnalités, Romain Rolland a répondu avec
enthousiasme. En vain, nous nous sommes adressés aux
Partis politiques. Les journaux ont brièvement
commenté notre charte. Le "Populaire" en a donné un
bon résumé; grâce à l'intervention
personnelle du Directeur de "L'Humanité", ce journal a
accueilli un premier article sur le front de l'Enfance... Mais le
deuxième qui lui faisait suite, s'en est allé au
panier... La Fédération
de l'Enfance ouvrière tergiverse pour bâtir sur le
papier des plans et des contre-plans, ergote sur des mots et des
suppositions comme si nous avions voulu établir, par notre
charte, les lignes définitives de ce Front de
l'Enfance. L'essentiel
n'était-il pas de créer un courant, et un courant
populaire souverain? Foin des discussions byzantines! A la roue,
ceux qui veulent pousser! Quant à nous, nous prenions
modestement notre place, et parmi les premiers et les plus
acharnés. Nous acceptions tous ceux qui poussaient dans le
même sens. Quand le mouvement aurait été
créé, nous aurions à loisir alors
recherché en commun des règlements et des statuts.
Les appuis essentiels, sans lesquels, dépourvus de tous
moyens de propagande, nous ne pouvions rien, nous ont fait
défaut : C.G.T., C.G.T.U., I.T.E., Parti Communiste, Parti
Socialiste, Municipalités ouvrières... rien n'a
voulu bouger.
Freinet
ne perd pourtant pas espoir : Mais il n'est pas dit encore que
notre initiative ne continue son chemin et qu'un de ces jours
peut-être, prenne corps, même sous une forme
légèrement transformée, le Front de l'Enfance
dont, plus que jamais, nous sentons la
nécessité.
- Un peu plus tard (EP 11, mars 36, p.225),
il revient sur le sujet à l'occasion du Manifeste du
Front laïque
qui
vient d'être publié par les Comités d'action
et de défense laïque. Il suffit de le comparer
à notre Charte du Front de l'Enfance pour comprendre qu'il
ne nous donne pas satisfaction. Le Front laïque part d'une
idée philosophique, la Laïcité; nous aimerions
qu'on parte de la vie enfantine, de la tragique vie familiale, de
la situation des enfants et de l'école pour
déterminer l'urgence des problèmes qui se posent
à nous. (...) Le stade de
la laïcité est malgré tout
dépassé. Il nous faut aller plus loin et, avec
l'immense masse prolétarienne, reconquérir l'enfance
et l'Ecole.
(...) La preuve que notre
Front de l'Enfance serait une nécessité, c'est que
la réaction, après avoir bavé sur notre
projet, le copie intégralement en lançant la
constitution d'une "Ligue de l'Education Française" qui se
place tout de suite sous le haut patronage de Doumergue,
Pétain et Weygand.
- Le journal Ecole et
Liberté
(organe des
droits familiaux d'éducation, d'inspiration
réactionnaire) n'est pas resté indifférent au
Front de l'Enfance, car il écrit : Le cercle des
convoitises se resserre autour des âmes enfantines et les
tentatives d'expropriation se multiplient. Aux chefs de famille
d'ouvrir l'oeil, et, à leur tour de s'organiser de plus
fortement.
Attention, chasse
gardée!
- Alors que les organisations
ouvrières et syndicales ont boudé l'initiative,
grâce au soutien personnel de Mlle Flayol, secrétaire
générale du Groupe Français d'Education
Nouvelle,
le Dr Henri Wallon accepte d'entrer au bureau national du
Front de l'Enfance (EP 15, mai 36, p.298). Cela favorisera, dans
les années qui suivent, le renforcement des liens entre la
CEL et le GFEN.
-
- Que penser de la pédagogie
soviétique ?
- Bien entendu, le lien sans cesse
rappelé entre lutte sociale et combat pédagogique
n'a pas manqué de poser, aux yeux de certains militants, le
problème de l'U.R.S.S. qui, revenant à une
pédagogie très dirigiste, a brutalement mis fin aux
expériences novatrices qu'avait admirées Freinet en
1925. Celui-ci n'élude pas le problème. A partir de
1933, tout en rappelant son respect du pluralisme politique et
syndical au sein des adhérents et du conseil
d'administration de la coopérative, il s'efforce dans une
série d'articles de justifier sa fidélité
personnelle au communisme sans infléchir son engagement
éducatif.
- Dans un article intitulé L'URSS
adoptera-t-elle nos techniques? (EP
2, nov.33, p.62), Freinet insiste d'abord sur le caractère
révolutionnaire de ces nouvelles techniques qui, rompant
avec le conditionnement, fondent l'enseignement sur la
pensée et la vie des enfants dans leur milieu naturel.
(...) Nous serions
particulièrement heureux que notre expérience puisse
être répétée dans les milliers
d'écoles expérimentales de l'URSS d'abord, avant
d'être adoptée comme une des techniques fondamentales
de l'école soviétique. Et cela est normal : nous
avons toujours visé, dans nos réalisations,
l'épanouissement de l'école populaire. Il y a un
pays où cet épanouissement est puissamment
déclenché. C'est là, et là seulement,
que notre innovation peut donner son plein rendement et
acquérir son vrai sens et sa réelle portée.
- Constatant qu'un terme a été
mis au bouillonnement qu'il avait connu en 25, parce que la
cristallisation était bien loin encore,
il
ajoute : Un puissant effort de redressement a plus tard fait
faire un grand pas à l'école prolétarienne en
l'insérant au maximum au milieu social, en liant
effectivement l'école à la construction socialiste.
(...) Production s'est traduit
parfois en pédagogie par acquisition; d'où la
préparation de manuels pour toutes les écoles, le
rétablissement de certains examens, une tendance
regrettable à exagérer la réaction
disciplinaire contre la pédagogie libérale
.
- Dans l'article suivant (EP 3,
déc.33, p.113), Freinet rappelle le progrès
essentiel que constitue l'effort considérable de l'URSS en
matière d'éducation, de la crèche à
l'université et à la formation permanente dans les
usines. A propos de l'abandon des méthodes nouvelles, il
réaffirme : L'échec relatif de ces
méthodes était inévitable dans un pays qui ne
peut que progressivement équiper ses milliers
d'écoles nouvelles et qui a besoin, immédiatement,
d'une technique pédagogique simple, précise,
efficiente, à offrir à ses milliers
d'éducateurs débutants. Les pédagogues
soviétiques ont peut-être alors un peu trop
cherché dans le sens opposé la solution au
problème scolaire urgent. Ils y étaient
poussés aussi par cette nouvelle mystique de la
technicité et du rendement qu'a vulgarisée le
premier plan quinquennal. On a trop essayé sans doute de
produire, d'inculquer des connaissances, par réaction, nous
l'avons dit, aux méthodes qui ne tenaient aucun compte de
ces besoins nouveaux. D'où l'édition de manuels
scolaires et l'institution, à certains degrés,
d'examens divers de passage. Ce n'est à notre avis qu'un
pis aller. (...) L'URSS n'a pas
intérêt à laisser se perpétuer l'erreur
pédagogique sur laquelle vivent nos écoles
(du monde capitaliste). Et,
après avoir souligné qu'en URSS le problème
des liens de l'école avec la vie publique, la morale, la
religion, la politique, se pose de façon fondamentalement
différente, il conclut : Lorsqu'elles seront connues -
elles le seront immanquablement dans quelques lustres -, nos
techniques nouvelles de travail s'imposeront, nous en sommes
certains, à la pédagogie soviétique. La
pédagogie nouvelle prendra un essor puissant et
définitif en donnant à l'enfance un peu de cet
élan merveilleux qui anime aujourd'hui la jeunesse
révolutionnaire.
- Apparemment, ce n'est pas la perspective
immédiate, si l'on en croit un violent article de la
Pravda , intitulé
Contre les dernières manifestations du gauchisme dans le
travail scolaire,
qui
conclut ainsi : L'Instruction Publique n'est pas un terrain
ouvert à des expériences "gauchistes" hasardeuses,
comme la "méthode des projets", et ce n'est pas non plus un
lieu de repos pour ceux des membres du personnel qui ne peuvent ou
ne veulent pas travailler. Le Parti ne tolèrera pas l'abus
des projets petit-bourgeois dénués de fondement, ni
le laisser-aller, sur ce secteur si important de la
législation soviétique, quelles que soient les
phrases "gauchistes" ou les causes "objectives" invoquées
pour recouvrir ces projets.
- Courageusement, Freinet publie
intégralement la traduction de cet article (EP 4, janv.34,
p.174) mais ne peut le laisser sans réponse : Nous nous
élevons contre le savoir formel livresque, parce que nous
ne voyons pas la possibilité de former des travailleurs
communistes hors du milieu d'activité et de création
qui devrait être comme leur élément vital.
L'acquisition, le savoir, doivent naître non d'un
stérile effort de mémoire mais de la recherche et du
travail. Et qui dit travail complexe et conscient dit
forcément acquisition : activité, polytechnisation,
acquisition vont nécessairement de pair dans une
école rénovée. Mais demander à
l'école qu'elle inculque une certaine somme de
connaissances, c'est ouvrir la porte au dogmatisme le plus
primaire, à l'asservissement et au verbiage qui sont
à l'opposé des qualités que la
société socialiste réclame de ses
constructeurs.
- Quelques mois plus tard (EP 4, nov.34,
p.73), citant l'article d'un instituteur fasciste, paru dans
L'Ecole Française
(n° du 25 oct. 34),
réclamant le droit d'infliger aux élèves des
châtiments corporels, à l'exemple de l'Allemagne
nazie, Freinet intitule clairement son éditorial :
Autorité, châtiments corporels = fascisme ;
Confiance en l'enfant, libre activité = essor
prolétarien.
Il le
conclut dans ces termes : Educateurs, sachons éviter le
piège qui nous est tendu par les tenants de régimes
périmés.
Dénonçons l'idéologie fasciste de la
discipline passive et de l'autorité ; affirmons la toute
puissance de la libre activité créatrice, et
travaillons pratiquement à introduire dans nos classes des
techniques nouvelles qui, dans le régime actuel, ne
prétendent pas réprimer tous les abus, mais qui
montreront du moins aux éducateurs, aux
élèves et aux parents d'élèves quelle
est la voie sére de la libération sociale, à
l'opposé justement des théories traditionnelles des
défenseurs du capitalisme.
-
- Des documents pour connaître la
réalité soviétique
- Nous l'avions vu
précédemment, les militants ont accès,
grâce à la rubrique Documentation internationale
de leur
bulletin, à de nombreux documents de première main,
généralement publiés sans commentaires, sur
l'éducation dans divers pays. Au cours de cette
période, un grand nombre concernent l'URSS. Ainsi la
traduction d'un article officiel sur L'Ecole
Polytechnique, suivi d'un autre de
Kroupskaïa, la veuve de Lénine, sur La
préparation de l'éducateur
(EP 1,
oct.33, p.40). Deux articles de Gmourman : Le manuel stable est
une puissante arme pour la conquête du
savoir
et L'enseignement des
fondements des sciences comme l'un des plus importants
éléments de l'éducation communiste.
On y
lit : On ne nie pas la coercition, on la conjuque avec la
persuasion dont elle découle. Et la coercition se
réalise d'autant plus facilement que la persuasion est
organisée d'une façon plus juste, en
s'imprégnant simplement d'éléments sociaux et
pédagogiques. Ici le maître est puissamment
secondé par l'écolier de choc, par le pionnier, par
le self-governement. Ce qui
n'empêche pas Freinet de trouver que le souci des
dirigeants soviétiques reste celui de tous les
pédagogues d'éducation nouvelle
(EP 6, mars 34, p. 337). Un
commissaire à l'Instruction publique rappelle les missions
des camarades instituteurs et insiste, bien entendu, sur la
nécessité de combattre les inventions
hâtives, gauchistes, en matière de
méthodes. Suit un article sur
L'attitude de la jeunesse des écoles vis-à-vis de
la profession de
pédagogue.
Cette dernière ne semble pas susciter beaucoup de
vocations. Par contre, le Soviet de Moscou se réjouit que,
parmi les "oudarniks", ouvriers de choc, beaucoup de jeunes soient
entrés dans l'enseignement. S'y ajoute un article sur Le
théâtre pour enfants et l'école
, thème qui sera
développé plus tard. En tout, 9 pages dans le
même bulletin (EP 7, avr.34, p.389). Même volume dans
le suivant (EP 8, mai 34, p.446) pour trois articles, l'un sur
Le plan quinquennal culturel,
l'autre sur Le foyer des enfants dans le Palais de la Culture
de Leningrad,
enfin un
récit de voyage d'un militant du mouvement, Lacroix,
où la Guépéou est présentée
sous un visage plutôt sympathique. L'année scolaire
suivante, un autre militant, Costa, écrit une série
d'articles sur ce qu'il a vu en URSS en matière
d'éducation : l'école polytechnique; l'enseignement
expérimental; un musée du livre pour enfants;
Bolchevo, commune de rééducation pour jeunes
délinquants (EP 1 à 4, oct. à déc.34).
Tout au long de l'année, est publiée une
série de textes traduits d'un livre d'Ella Winter
intitulé Red virtue .
Bien des thèmes sont abordés : la santé
mentale en URSS, la pédagogie au jardin d'enfants, les
relations parents-enfants, le théâtre pour enfants,
l'enfant soviétique au jeu, la littérature
enfantine. L'auteur y expose, sans le moindre recul critique, des
pratiques de total conditionnement. Par exemple, dès la
petite enfance, les lettres politisées de
l'abécédaire (A comme Athée et surtout pas
comme Antilope), le fait que l'enfant ne ressent aucune
gêne à critiquer ses parents, surtout s'ils sont
ignorants, arriérés, illettrés ou d'anciens
bourgeois (EP 5, p.117). L'auteur
transcrit un dialogue avec un enfant de 6 ans qui est un
véritable catéchisme du parfait soviétique
(EP 8, p.187). Devant l'affirmation que les enfants
prolétariens ont le meilleur et les enfants de la
bourgeoisie sont moins bien traités,
l'auteur reconnaît tout de
même que Kroupskaïa* et d'autres ont exprimé
de puissantes objections au sujet de cette discrimination entre
certains enfants (EP 9, p.212). Que
dire de cette définition : Le bel art est de la bonne
propagande,
à quoi
un adolescent ajoute : Le mauvais art, c'est de la propagande
avariée (EP 10, p.236). Et
cette affirmation : Les changements officiels de
l'idéologie ou de la situation politique doivent se
manifester dans les jouets dès que possible
(EP 11, p.260). Non seulement les
jeux d'adresse sont politisés (quand on atteint la cible :
banquier américain, prêtre mexicain,
général français ou mandarin, on fait
apparaître un opprimé : nègre, péon,
marocain ou coolie), mais les jouets évoquant le travail
individuel ou familial doivent faire place à leur
équivalent collectiviste (la petite ferme et ses animaux
devenant obligatoirement kolkhoze et étable collective).
Inutile d'ajouter que les livres pour enfants relèvent du
même endoctrinement idéologique, reposant sur
l'opposition permanente entre un hier sordide et un aujourd'hui
radieux, à moins que le passé ne soit
remplacé, au rôle de repoussoir, par le
présent des pays capitalistes ou des peuples
colonisés (EP 12, avr.35, p.283). Tous les ouvrages doivent
exalter le progrès. Comme les histoires de fées sont
des mensonges, elles deviennent introuvables en magasin. Une note
(est-elle ajoutée par Freinet?) précise que cela est
en train de changer, notamment sur la recommandation de
Kroupskaïa* (EP 17, mai 35, p.319). Enfin, un article de
Volguine décrit les vacances des meilleurs
élèves recevant prix et drapeaux (EP 18, juin 35,
p.424).
- * Nous savons maintenant que la veuve de
Lénine était en conflit larvé avec Staline
mais qu'elle était impuissante à s'opposer
ouvertement à lui.
- On retrouve aussi l'URSS dans les
critiques de livres : celui d'un industriel, H. Thiéry qui
décrit ce qui se passe Derrière le décor
soviétique
et dont
Freinet conclut que le jour où un bourgeois visitant
l'URSS en reviendrait satisfait, la Révolution serait
gravement compromise. Dans le
même n° (EP 6, mars 34, p.346), un compte rendu de
livre soviétique Deux villages sauvés de la mort
(grâce à l'organisation
communiste). Freinet présente rapidement le
Staline
écrit
par Henri Barbusse, un monde nouveau vu à travers un homme,
pur héros prolétarien
(EP 19, juin 35, p.452). Il avait
néanmoins cité précédemment le livre
de Martinet sur l'affaire Victor Serge et regretté le titre
Où va la Révolution russe ?
à ses yeux
injustifié : Il ne faudrait pas qu'une injustice - si
injustice il y a - permette à des militants de jeter la
suspicion sur toute l'oeuvre révolutionnaire de l'URSS,
comme si rien ne pouvait être sans Victor
Serge
(EP 9, juin 34,
p.518).
- On
peut se demander si l'abondance de tels articles ne provoque pas
un effet de saturation sur les militants venus au mouvement par
opposition au bourrage de crâne éducatif. Constatons
que, sans disparaître, les articles de ce type deviendront
ensuite beaucoup moins fréquents.
-
- Des documents sur l'Allemagne
nazie
- Si
l'URSS tient incontestablement la première place dans les
informations internationales, on y parle aussi d'autres pays,
notamment de l'Allemagne et de l'éducation nazie. Parfois
pour appeler au secours des enfants allemands
émigrés (EP 2,nov.33,
p.63) ou dénoncer la mort de l'école nouvelle en
Autriche (EP 7, avr.34, p.359),
l'exil à Genève de Paul Geheeb, chassé de
l'Odenwald par les Nazis. Le bulletin informe clairement sur la
nouvelle éducation hitlérienne
, d'après la Revue
Internationale de Pédagogie : Le sang et le sol restent
les sources originales de toute vitalité et forment les
symboles des idées politico-racistes et d'une
activité héroïque. Et voilà la base
même d'un nouveau genre d'éducation. L'école
doit former les jeunes gens en leur transmettant les idées
de race qui sont péremptoires.
Un passage de Hilfs Mit!
, revue de la jeunesse scolaire,
montre clairement le but réel de l'éducation nazie :
C'est à toi, jeunesse allemande, qu'il appartiendra de
réparer l'injustice commise à l'Est. Notre Marche de
l'Est (comprenez Pologne et
Bohème) est un pays d'origine germanique. C'est
seulement à l'époque des grandes invasions
(...) que les Slaves parvinrent
sur ces territoires
(EP 5, fév.34,
p.291). Ruch montre comment la Revue Internationale de
Pédagogie, autrefois sous influence catholique, est
passée totalement sous la mainmise des Nazis (EP 6, p.
351). Il traduit deux articles sur la conception
nationale-socialiste de l'histoire. Hans Schwartz écrit :
La jeunesse, ardente et généreuse, ne doit pas se
montrer présomptueuse. Elle n'est pas "sujet" mais "objet"
de l'histoire dans la main d'un
FŸhrer qui donne son empreinte à la volonté et
à la destinée de la jeunesse
(...) Pour nous autres Allemands,
ce qu'on appelle "l'histoire" est en quelque sorte
terminée, et nous sommes en présence d'une vie
nouvelle, d'une autre attitude en face d'elle, d'un esprit, d'une
foi, d'un recueillement nouveaux. Nous voyons actuellement
l'histoire et le mythe se rapprocher et arriver le moment
où le mythe remplacera l'histoire, qui aura le
caractère d'un culte. (EP 7,
p.407). Remontant aux débuts de l'humanité, E.E.
Pauls affirme : La contrée où naquit la culture
fut, naturellement le centre de l'Allemagne. Les hommes du Nord
ont émigrés vers le Sud. Ils ont soumis les
populations autochtones des pays de cocagne qu'ils envahirent et
ont fait naître la culture. Mais peu à peu leur
vigueur a diminué, leur fier esprit de caste a disparu; ils
se sont mêlés à d'autres races et leur
culture, peu à peu, disparut. C'est l'histoire des Indes,
de la Mésopotamie, de la Grèce, de l'Italie. Mais
comme le peuple allemand vit là où est né la
culture, il puise toujours dans ce sol béni la substance
qui l'empêche de décliner.
(EP 8, p.462). Dans le même
n° (p.458), Fautrad écrit un long compte rendu du
livre de H. Guilbeaux : Où va l'Allemagne
?
L'auteur y montre que
l'avènement d'Hitler fut facilité par les fautes des
partis social-démocrate et communiste : Le premier par
ses fautes et, il faut le dire, par ses crimes, le second par ses
erreurs et sa tactique abstraite impénitente, n'ont pas su
défendre les quelques conquêtes de la
révolution ni opérer le regroupement des forces qui
seul aurait pu arrêter l'effort du mouvement
national-socialiste. Le livre
décrit la mainmise des Nazis sur tous les pouvoirs et les
menaces que fait peser sur la paix leur nationalisme
déchaîné. Avec de tels documents, les
militants ne peuvent ignorer la nature réelle du
totalitarisme nazi et les risques de guerre qu'il engendre.
- Curieusement, Freinet continue de situer
les Soviétiques dans le camp de l'éducation nouvelle
: Hitler chasse Geheeb ; mais l'URSS accueille et fertilise
toutes les idées pédagogiques d'avant-garde.
A ses
yeux, une seule alternative se pose au courant d'éducation
nouvelle : ou accepter les dictatures réactionnaires qui
l'annihilent ou se mêler hardiment au grand mouvement
d'émancipation prolétarienne.
(EP 8, janv. 35, p.190)
-
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