- Premier bilan
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
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- En juillet 36, le n° double 19-20 de
L'Educateur Prolétarien
est consacré tout
entier à Une année d'expérience à
l'Ecole Freinet . Le premier souci
de Freinet est de montrer que son école est
réellement prolétarienne par le caractère de
simplicité des locaux, par son recrutement, par le mode de
vie des enfants. Il consacre 7 pages au régime alimentaire
auquel il attribue une influence déterminante dans le
changement de comportement des enfants. Il s'attache ensuite
à montrer que la liberté pédagogique dont il
dispose maintenant permet, grâce à la libre
organisation des enfants d'aller plus loin dans le changement
d'éducation. Il conclut : Parce que nos enfants sont
libres, parce qu'ils s'en vont par les champs et les sentiers en
chantant sereinement des hymnes libérateurs, les timides
taxent notre école de communiste. Nous
répétons ici, au risque même de
déplaire à quelques sectaires, que nous nous
refusons à faire le moindre bourrage socialiste et
communiste. Notre vie est l'expression même de l'idée
socialiste qui nous anime. Nous plaçons l'enfant au centre
des réalités sociales, économiques et
politiques ; nous lui apprenons à juger sainement. Si nous
réussissons dans notre oeuvre libératrice -- et nous
réussirons -- nos élèves, de quelque parti
qu'ils se réclament, seront les plus conscients des
révolutionnaires.
- Mais d'autre part, certains orthodoxes,
qui ne comprennent pas encore le sens pédagogique et humain
de notre confiance en l'enfant, croient que notre
expérience est d'essence anarchiste. Oui, nous attachons
une grande importance au développement individuel, mais,
nous l'avons dit, nous ne concevons pas ce progrès
individuel sans les améliorations décisives du
milieu social et politique. Nos enfants sauront servir la
communauté et s'y dévouer!
- Aux politiciens, nous disons enfin :
Nous ne travaillons pas pour aujourd'hui mais pour demain. Nous
préparons des hommes, des lutteurs, conscients des
réalités sociales et politiques. Dans les dures
périodes que nous traversons, ces hommes-là ne
pourront pas être à l'écart de la lutte ; et,
dans cette lutte, nous nous en portons garants, ils ne sauront
être que du côté de leur classe, du
côté du peuple, pour l'avènement de la
société socialiste dont leur communauté est
un hardi embryon.
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- Une école conforme aux
critères de l'éducation
nouvelle
- En 1912, afin de faire le tri entre les
écoles nouvelles dignes de ce nom et les
établissements qui, pour des raisons commerciales ou de
simple prestige, s'arrogeraient ce titre, le Bureau International
pour l'Education Nouvelle avait énuméré
trente critères, observés dans des
établissements qu'il connaissait et définissant un
profil idéal en fonction duquel on pourrait
apprécier la plus ou moins grande authenticité d'une
école dite nouvelle. Voici ces 30 points : 1-
l'école est un laboratoire de pédagogie pratique; 2-
avec internat; 3- à la campagne; 4- en maisons
séparées; 5- avec coéducation des sexes; 6-
avec travaux manuels; 7- dont menuiserie, culture, élevage;
8- travaux libres; 9- gymnastique naturelle, bain d'air naturiste;
10- voyages à pied et camping; 11- culture
générale; 12- spécialisations libres; 13-
enseignement reposant sur les faits et l'expérience; 14-
activité personnelle de l'enfant; 15- respect des
intérêts spontanés; 16- travail individuel;
17- travail collectif; 18- enseignement surtout le matin; 19- peu
de branches étudiées chaque jour; 20- peu de
branches par mois; 21- république scolaire; 22-
élection de chefs d'équipes; 23- répartition
des responsabilités; 24- récompenses ou sanctions
positives; 25- punitions limitées à la
réparation des fautes commises; 26- émulation; 27-
milieu de beauté; 28- musique collective; 29-
éducation de la conscience morale; 30- éducation de
la raison pratique. Cette énumération était
détaillée par Ferrière qui précisait
que l'école de l'Odenwald (dont Freinet avait
écouté le compte rendu de Paul Geheeb à
Montreux en 1923) observait les 30 points, d'autres 26 ou une
vingtaine.
- On peut constater que, malgré ses
critiques à l'égard de ces écoles nouvelles
de type élitiste et sa volonté de créer une
école prolétarienne, Freinet respecte dans son
école de Vence pratiquement tous les critères
énumérés, sauf apparemment l'élection
de chefs d'équipes. Sans doute cette conformité
n'est-elle pas délibérée et
relève-t-elle de choix éducatifs convergents que
Freinet reconnaissait déjà dans son article de
Clarté , 12 ans plus
tôt.
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- Le véritable sens de
l'avant-garde
- Tout en reconnaissant
l'intérêt des expériences d'éducation
nouvelle dans certaines écoles privilégiées,
Freinet regrettait que leur caractère d'exception les
tiennent en marge de l'école populaire. L'important pour
lui est de disposer maintenant d'un lieu d'initiative et
d'expérimentation où il ait les mains libres.
Certes, la pauvreté des moyens est souvent un frein, de
même que le nombre d'enfants à problèmes qu'il
accueille, mais cela lui évite le décalage avec les
autres classes de son mouvement. A ses yeux, l'avant-garde doit
être une percée en avant qui prépare
l'arrivée du gros des troupes, alors que trop souvent on la
perçoit comme une action de corps franc, plus ou moins
irresponsable et marginale. L'école Freinet se
prépare à devenir le lieu de rassemblement et de
formation des militants du mouvement.
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